Montfort sur Boulzane

(30 / 04 / 2018)

 

 

1. Localisation (Midi Pyrénées, 11 - Aude)

 

A Montfort sur Boulzane (11140) (Montfort, avant le décret du 28 / 12 / 1936). En venant de Carcassonne (11000), après Limoux (11300) (D 118) et au Sud de Quillan (11500) (D 117), à 16 km au Sud Est d'Axat (11140) (D 117, puis à droite à Lavagnac). Autre accès : sur la D22, après le village, en direction du col d'Aussières (PC 766), une piste située sur la droite enjambe la Boulzane par un petit pont et remonte le vallon des Escoumeilles.

 

* carte de la région (Cassini, XVIIIème) ;

 

* carte schématique de la vallée de la Boulzane ;

 

* entrée du village de Montfort (en venant de Puylaurens) ;

 

* ruines situées à l'extérieur du village : plan d’accès.

 

2. Description

 

2.1. Dans Montfort même, se trouve un bâtiment qui était au Moyen Age une ancienne demeure seigneuriale : ce château féodal était pourvu de nombreux moyens de défense. Des remaniements et reconstructions, qui remontent à environ 200 ans, lui ont fait perdre ce caractère primitif.

 

« Vestiges du château féodal : tour carrée » (La Torre).

 

2.2. Après le village, et à flanc de colline, un chemin de terre, large et bien entretenu, conduit à la ruine d'une construction : vestiges de l’ancien village ou d'une tour quadrangulaire d’un ancien château. Sur place, aucun indice de valeur militaire ou défensive ne semble pouvoir être mis en évidence : appareil de pierres « rustiques », embroussaillées, sans liant apparent, mais la construction est de bonne qualité, et parfois même en excellent état.

 

« Vestiges de l'ancien village perché » (La Torre). « Sur le Roc d'al Casteillas, site et débris d'un château (tour arasée) et du vieux village, détruits (1496) lors de la guerre d'Espagne » (Salch).

 

« A quelques kilomètres à l’ouest de Montfort sur Boulzane, le roc proche de la bergerie des Escoumeilles est couronné de moellons qui pourraient être les vestiges d’un castellum ignoré de l’Histoire » (Deltiens).

 

Les restes du castrum de Monteforti et du vieux village sont ainsi indiqués comme étant localisés sur l’actuel « Roc d'al Casteillas », zone située sur la commune de Montfort sur Boulzane, vers l'Ouest.

 

3. Histoire

 

3.1. Le lieu était appelé « Montis fortis in valle alba ». Le castrum de Monteforti, situé à l'extrémité supérieure du bassin de la Boulzane, était l'un des maillons importants du système défensif du royaume de France lié au château de Puylaurens.

 

3.2. Comme Gincla (11140), la seigneurie de Montfort fut donnée (XIIIème) en arrière fief à la famille du Vivier, l'une des principales familles du Fenouillèdes, vraisemblablement issue de la maison de Narbonne dont elle portait les armes. Béranger du Vivier fit partie (milieu du XIVème) d'une ligue locale contre le roi d'Aragon. Son père, Raymond du Vivier, exerçait un commandement important dans les armées du roi lors de la guerre des Flandres. Guillaume du Vivier, seigneur de La Tour, figurait (1315) parmi les chatelains qui répondirent à l'appel de Louis X Le Hutin (1289-1316) pour participer à la guerre des Flandres.

 

Alors que Charles VIII était en guerre avec l'Espagne, une des armées de Ferdinand envahit le Languedoc et s'engagea (1496) dans le Fenouillèdes. Les châteaux de Montfort, Counozouls (11140) et Gincla furent assiégés et pris. Celui de Montfort fut presque entièrement détruit. Après la guerre, un membre de la famille du Vivier, seigneur de Montfort, qui figurait alors parmi les premiers rangs de la noblesse du Fenouillèdes, reconstruisit un château de plus modestes proportions, mais à l'intérieur du village actuel.

 

Le seigneur du Vivier octroya (14 septembre 1589), par acte notarié et contre espèces, des permissions perpétuelles (droits de pâture, de bois de chauffage, etc) aux habitants de Montfort et de Gincla. Mais, après la mort d'Henri du Vivier, la marquise de Poulpry, marquise d'Arques et de Couiza, devint propriétaire de la forêt de Salvanère et du château de Montfort, qui avait été restauré. Les droits des habitants, qu'elle donna à M. Barrier, durèrent jusqu'en 1789. La marquise de Poulpry ayant émigré, les servitudes des habitants de Montfort devinrent caduques (jugement du 11 thermidor An IV). A la Restauration, ces biens furent restitués et ce fut le comte de La Rochefoucault qui en devint propriétaire. Des litiges se formèrent alors entre habitants de Montfort et les La Rochefoucault. De guerre lasse, ces derniers finirent par vendre leurs biens de Montfort.

 

3.3. Montfort est attesté en 1594 : on dénombrait cette année-là 16 maisons ou « cabanes » et un « château en ruines ». A l’un des recensements du royaume (Saugrain, 1720), le village possédait 109 feux.

 

3.4. Les « forges de Montfort », situées au Champ du Moussu, sont connues dès 1789. Elles ont plusieurs fourneaux et marteaux, et utilisent l'énergie hydrolique de la Boulzane. Une deuxième forge fut établie (1840) au confluent de la Boulzane et du ruisseau de Lagasté (ou Rivierette), mais elle ne fonctionne que 7 mois sur 12 (par manque d'eau). Le minerai est ici naturellement allié à d'autres métaux (or, argent, manganèse, aluminium, etc). Louis de Chénier (1723-1796), père du poète André Chénier (André Marie de Chénier), aurait été maître de forge à Montfort (il était négociant, puis devint diplomate). Cette importante forge catalane était donc exploitée au XVIIIème avec le minerai de fer extrait sur cette commune et le charbon de bois de la forêt de Boucheville. Des scieries (hydrauliques) fonctionnent aussi à proximité de la forêt de Montfort.

 

4. Héraldique

 

Armes de Montfort : « d’or au chevron brisé de sable ».

 

Armes de Gincla : « d’argent à un pal d’azur cantonné de deux lozanges du même ».

 

8. Toponymie

 

8.1. Lors de la croisade albigeoise, Simon IV de Montfort l’Amaury avait conquis (1217) Viviers, cité épiscopale située dans la vallée du Rhône (Ardèche). Mais cette ville n’a aucun rapport avec la famille du Vivier. Il existe, en effet, une commune du nom de « Le Vivier » (66730) à l’Est de Montfort sur Boulzane. On trouve en France d'autres communes du nom de Vivier(s), dont : Viviers (07220), Viviers du Lac (73420), Viviers lès Lavaur (81500), Viviers lès Montagnes (81290) ainsi que Viviez (12110).

 

De même, existent la ville de Fenouillet du Razès (11240) et aussi Fenouillet (31150 et 66220).

 

8.2. Montfort, commune du canton d'Axat : « Montfort, un chasteau ruiné et seize maisons ou cabanes de bois » (1594, archives de l'Aude, C, recherches sur le diocèse d'Alet), « Esglise Sainct Jean de Montfort, diocèse de Narbonne » (1639, archives communales de Narbonne, Inventaire Rocques, III, 228), Mounfort (forme vulgaire).

 

Son église paroissiale était dédiée à St Jean Baptiste. Le chapître de St Paul de Fenouillèdes était décimateur pour les 2/3, celui de St Just de Narbonne pour 1/3. Montfort était le siège d'une brigade pour le service de la gabelle au diocèse d'Alet ; il dépendait de la viguerie de Fenouillèdes et de la sénéchaussée de Limoux.

 

Montfort, château moderne et ferme de la commune de Narbonne : Montfort, une petite maison (1696, archives communales de Narbonnes, non inventoriée).

 

8.3. Localisations du toponyme « casteillas »

 

Dans l'Aude (11), le nom « Le casteillas » se trouve à Alet les Bains (catégorie IGN : lieu-dit non habité), à Rennes le Château (mont, colline, mamelon, sommet), tandis que le nom « les casteillas » figure dans la commune de Massac (catégorie IGN : mont, colline, mamelon, sommet). Enfin, il existe une place Casteillas à Malras.

 

On connait (Fedié) l'existence, sur la commune de Rennes le Château (anciennement Rhedae), d'une seconde forteresse dont il ne reste plus rien, élevée du côté du midi, à cinq cents mètres environ des remparts de la ville haute. Cette forteresse, construite sur un mamelon dominant la plaine environnante, s'appelait le Casteillas, mot patois qui signifie grand château, mais elle n'a pas laissé de souvenir. On sait seulement que, lors de la destruction de Rhedae, l'ennemi s'empara d'abord de Casteillas et dirigea, de ce point élevé, ses attaques sur la ville. Enfin, on peut présumer qu'elle était sans défense quand le roi d'Aragon vint plus tard l'attaquer, les hommes du comte Roger ayant concentré leurs forces dans la citadelle : d'ailleurs, cette ville haute ne céda pas aux attaques aragonaises. La tradition rapporte qu'une armée importante, venant d'Espagne, s'empara du Casteillas, cette fortification distincte qui protégeait Rennes sur sa façade méridionale, puis qu'elle détruisit la partie de la ville située dans la plaine.

 

Par ailleurs, l'histoire du château de Belcaire (bellicadrum) (Mir) semble indiquer qu'il n'était guère connu avant la soumission du pays par le roi de France (1240). Raymond d'Aniort (ou de Niort) le possédait, ainsi que ceux d'Aniort (ou Niort) et de Belvis. C'est lorsque Belcaire fut érigé en bailliage (1247) que l'on voit apparaître ce château destiné à recevoir une garnison (Vic et Vaissette).

 

Le château de Belcaire résista à toutes les invasions espagnoles, mais il fut pris (1572) par Jean de Lévis, chef des calvinistes. Il fut alors incendié, puis Henri IV le fit reconstruire. Cependant, après l'annexion du Roussillon, il perdit de son importance : le château de Belcaire tomba en ruines par abandon : il ne reste que quelques murs ainsi que le nom de Casteillas.

 

8.4. Localisations du toponyme « escoumeilles »

 

Le toponyme « escoumeilles » se trouve donc à Montfort sur Boulzane (catégorie IGN : hameau, groupe d'habitations, habitation isolée, maison forestière). Il en est de même du « ruisseau des Escoumeilles » (catégorie IGN : rivière, fleuve, ruisseau, torrent).

 

Dans l'Aude (11), on trouve une variante, « Les Escoumeilles », à Arques, Clermont sur Lauquet et Nebias, sous forme de lieux-dits non habités. Dans les Pyrénées Orientales (66), on la trouve à Vernet les Bains (hameau, groupe d'habitations, habitation isolée, maison forestière).

 

8.5. Un parallèle amusant : un village appelé Rabouillet (66730) est situé dans les Pyrénées Orientales, à environ 4 km à l’Est de Montfort sur Boulzane ; de la même manière, Rambouillet (78) est une ville située à quelques 18 km au Sud - Sud Est de Montfort l’Amaury (78).

 

9. Bibliographie

 

Barante Claude Ignace Brugière de - (1745-1814), « Essai sur le département de l'Aude », Chez G. Garenc, Carcassonne, Brumaire an XI

Barante (1745-1814), préfet de l'Aude, est le coordonnateur de cette compilation statistique destinée au ministre de l'Intérieur

Mention des forges de Montfort (production de fer doux) (tableau 48, après la page 236)

 

Deltiens Dominique, « Les tours seigneuriales dans les Corbières (XIème-XVIIème) », in Bulletin de la Société d'études scientifiques de l'Aude, Tome XCVII, 1997

 

Esparseil Raymond, « Les gîtes minéraux de la Vallée de la Boulzane », Bulletin de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude, tome LXIV, Imprimerie Cano et Franck, Limoux, 1963, 1er trimestre 1964

 

Fedié Louis, « Rhedae, la Cité des Chariots », 1880, réédition Terre de Rhedae, 1994

 

Hozier A.C. d’ -, « Armorial général du département de l'Aude »

Pages 11, 13, 73, Montfort (armes : « d'or à 1 chevron brisé de sable »)

 

Jaillot Hubert, « Les Generalitez de Montauban et de Toulouse : Dediées a Monseigneur Le Goux de la Berchere », chez le Sr Jaillot, Paris, 1684

Carte de Montfort sur Boulzane : 1 carte sur 4 feuilles de 45,5 cm x 64,00 cm, côtée 00749 I-IV dans la collection d'Anville, (côtée Ge DD 2987 (749, I-IV) BN à la BnF)

 

Mir Mathieu, « Histoire du Pays de Sault », sans date

 

Pays d'accueil d'Axat (Editeur), « Cahier de pays d'Axat » (sans date, document obtenu en 1994)

 

Roederer Marie-Caroline, Mollat du Jourdin Michel et Bardet Jean-Pierre, « Paroisses et communes de France. 11, Aude » (démographie historique), Editions du CNRS, Paris, 1979

 

Sabarthès Antoine (abbé -) (1854-1944), « Dictionnaire topographique du département de l'Aude, comprenant les noms de lieux anciens et modernes », Imprimerie Nationale, Paris, 1912

1. Montfort, commune du canton d’Axat ;

* église paroissiale dédiée à St Jean Baptiste : le chapitre de St Paul de Fenouillèdes était décimateur pour les deux tiers ; le chapitre St Just de Narbonne, pour un tiers.

* Montfort était le siège d’une brigade pour le service de la gabelle au diocèse d’Alet ; il dépendait de la viguerie de Fenouillèdes et de la sénéchaussée de Limoux.

* « Montfort, un chasteau ruiné et seitze maisons ou cabanes de bois » (1594, archives de l’Aude, C, rech. diocèse Alet).

* « Esglise Sainct Jean de Montfort, diocèse de Narbonne » (1639, archives communales de Narhonne, Inventaire Rocq., III, 228).

* « Mounfort » (langue vulgaire).

2. Montfort, château moderne et ferme, commune de Narbonne :

« Montfort, une petite maison » (1696, archives commulnales de Narbonne, non inventoriée).

 

Torre Michel de la -, « Guide de l'art et de la nature (11 - Aude) », Nathan, 1985.

 

Vic Claude de - (dom -) et Vaissette Joseph (dom -), « Histoire Générale du Languedoc », Editions Privat, 1872-1890, réimpression aux Editions Lacour-Ollé, 2000

Un grand classique de l’histoire de la région, avec quelques inexactitudes

 

Sites Internet

 

http://paratge.chez-alice.fr/vap/BlasonMontfort.jpg (armoiries)