Notice

 

(JAM, 11 / 05 / 2021)

 

Souvenirs de la marquise de Créquy

 

Tome 7

 

Imprimerie de H. Fournier Jeune

 

Paris, 1835

 

 

Extrait des pages 323-325

 

 

Relativement à l'adjonction des noms de Créquy-Montfort à celui de Le Compasseur, il est produit un procès-verbal émané du lieutenant-général au baillage de ladite ville de Troyes, constatant qu'à la requête de H. et P. Seigneur, Messire Jacques de Brançion, Chevalier, Seigneur de Vidarjent et autres lieux, et de Haute et Puissante Dame, Madame Marie Jeanne Claude Madeleine Le Compasseur de Courtivron, son épouse, il existe en l'église de l'abbaye royale de Saint Loup de Troyes, une épitaphe gravée sur cuivre, en l'année 1471, et dont voici la teneur :

 

HIC JACET TANEGUIDUS LE COMPASSEUR A CREQUI MONFORT, CUJUS ALIX DE CHAUVIREY CONJUX EJUS ET ROBERTUS FILIUS HOC POSUERUNT EPITAPHIUM.

MIL CCCC LXX1.

 

Les armoiries de Tanneguy Le Compasseur de Créquy-Montfort se trouvent gravées sur la même table de bronze et voici comme elles sont figurées audit procès-verbal :

 

Parti d'un trait :

* au premier coupé, au premier du coupé parti, au premier du parti d'azur aux 3 compas ouverts (d'or ou d'argent car le métal du blason n'en est pas visible), 2 en chef et 1 en pointe. Au deuxième du coupé bandé d'or et d'azur de 7 pièces.

* au deuxième du parti sénestre, d'azur à la fasce d'or accompagnée en chef de 4 billettes du même, posées l'une en chef des 3 autres, et ladite fasce accompagnée en pointe de 3 autres billettes d'or posées en fasce.

 

Il est à noter que la reproduction de ces mêmes armoiries parties de Créquy, et la même adjonction du nom de Créquy-Montfort de la part des descendants de Tanneguy le Compasseur, se sont renouvelées et perpétuées jusqu'à M. le marquis de Courtivron, chef actuel de cette maison, sans aucune réclamation de celle de Créquy, laquelle n'a exercé aucun contrôle sur un grand nombre d'actes, ostensiblement passés dans le ressort du Parlement de Paris (notamment pour l'érection de la terre de Courtivron en Marquisat, comme aussi pour les actes relatifs aux deux Marquis de Courtivron, du même nom de Le Compasseur-Créquy-Montfort, avec deux filles de la très illustre et puissante maisonn de Clermont-Tonnerre).


 

Sans accumuler à cet égard des preuves inutiles et surabondantes, il est suffisant d'observer que, dans l'Histoire du parlement de Bourgogne, par Palliot, édition de 1649, les armes de Claude Le Compasseur, Chevalier et Seigneur, haut-justicier de Courtivron, s'y trouvent parties des armes de Créquy, précisement comme on les voit disposées sur l'épitaphe de Tanneguy Le Compasseur de Créquy-Montfort, à l'abbaye royale de St Loup de Troyes.

 

A l'égard de ces deux adjonctions nominale et héraldiques dont la date paraît remonter à la fin du XIV° siècle, attendu que Tanneguy Le Compasseur-Créquy-Montfort devait être sexagénaire à l'époque de son décès, ainsi qu'il doit en résulter de l'âge de son fils en 1471, il ne s'ensuit pas que l'origine inconnue de ces 2 adjonctions puisse invalider un droit acquis depuis plus de 3 siècles et toujours exercé sans contestation de la part des sires de Créquy, tant de la branche ducale entée sur les Sires de Blanchefort que des branches puînées des Marquis de Heymont, des Comtes de Canaples et des seigneurs de Bernieulles.

 

On en est réduit pour expliquer l'origine et le motif de cette adjonction des armes et du nom de Créquy à celles et celui de Le Compasseur, à la proposition suivante :

 

Il appert des titres provenus du cartulaire du dernier Marquis de Créquy-Heymont, et recueillis par Dom Villevieille, ancien archiviste de l'abbaye de St Germain des Prés lez Paris, lesquels documents ne paraissent pas avoir été consultés par les auteurs de l'Histoire des grands officiers de la couronne, 1° qu'Estheuil de Créquy, seigneur de Mareuil, était fils de Baudouin IV, sire de Créquy, et d'Alix dame de Heilly, vivante en 1259 ; 2° qu'il avait eu pour fils Thiérry de Créquy-Mareuil, seigneur de Montfort, lequel eût pour fils aîné Jean de Créquy, dit de Montfort, et co-seigneur du lieu de ce nom au diocèse du Mans ; 3° Jean de Créquy avait épousé Marguerite de Lusignan, dame de Montfort en partie, de laquelle il n'eut que des filles au nombre de 4, savoir : Alix de Créquy-Montfort, laquelle épousa Turpin de Champlieu, sire de St Espin ; Marguerite, alliée à Prudent de la Haye, chevalier ; Jeanne, prieure de Ste Aldegonde de Maubeuge, et Marie de Créquy-Montfort, dont l'alliance est inconnue ; 4° que ladite Marie ne saurait être morte célibataire, ni être entrée en religion, car il résulte d'un acte de l'année 1366, que sa soeur Alix, veuve de Turpin de Champlieu, et dame douairière de la seigneurie de St Espin en Touraine, lègue une somme de 48 livres avec plusieurs joyaux, reliquaires et autres objets précieux à sa filleule et sa nièce, Jeanne, fille aînée de sa soeur Marie, le tout sans autre désignation de noms de famille ou de qualification territoriales, ce qui n'est que trop commun pendant le cours du XIV° siècle au XV°, ainsi que tous les généalogistes ont eu l'occasion de l'expérimenter.

 

Comme l'époque où vivait ladite Jeanne, héritière apparente d'Alix, de Marguerite et de Marie de Créquy-Montfort, est la même que celle où le père de Tanneguy Le Compasseur de Créquy-Montfort avait dû se marier, on est conduit à penser qu'une alliance entre eux a pu déterminer cette adjonction des armes et du nom de cette branche des Créquy, dont on ne retrouve plus aucun autre vestige à partir de la même époque. C'est l'unique supposition raisonnable qui puisse résulter de l'examen des titres et de l'observation d'un fait enseveli dans la nuit des temps, et surtout dans les profondes ténèbres du XIV° siècle.