Bourdeilles

(30 / 01 / 2012)

 

1. Localisation (Aquitaine, 24 - Dordogne)

 

Au château de Bourdeilles (24310), commune située au Sud de Brantôme, à l'Est de Périgueux, une peinture représente Simon IV de Montfort l'Amaury.

 

2. Description

 

La peinture, à l'huile sur toile (2,10 m x 1,30 m) (propriété du département, objet protégé le 09 / 11 / 1976), fait partie du mobilier du château de Bourdeilles (XIVème). Elle est située à l'entrée d’une petite salle à manger, en zone peu éclairée. L'oeuvre est de Simon Vouet (Paris, 1590-1649), qui fut chargé par Richelieu de décorer la Galerie des hommes illustres du Palais Cardinal, actuel Palais Royal (dessin de la BnF), à Paris. Ce peintre et graveur français exécuta, sous Louis XIII et Richelieu, des retables et des cartons de tapisserie dans un style « somptueux » (Dictionnaire Larousse).

 

Sur la peinture, Simon IV de Montfort l'Amaury est debout, de face, en armure pleine, l'épée au côté, tête nue et portant une barbe mi-longue ; il est revêtu d'un grand manteau rouge et tient un baton à la main gauche. Le décor est constitué d'une bannière sur la droite (à gauche du personnage) et d'une mappemonde sur la gauche (à droite, aux pieds du personnage).

 

Une devise latine est peinte au bas du tableau :

 

RELIGIO CHRISTI TANTO SE VINDICE IACTAT

ARMIS QVO MAIOR NEC PIETATE FVIT

 

Il s'agit d'une oeuvre sans valeur iconographique : en effet, l'armure pleine qui figure sur la peinture n'existait pas à l'époque de Simon IV de Montfort (début XIIIème) ; d'autre part, ce dernier ne portait vraisemblablement pas de barbe (cf 78 - Montfort l'Amaury, sceaux de Simon IV).

 

3. Histoire

 

3.1. Ce tableau est un « carton », c'est-à-dire un modèle destiné à la réalisation d'une tapisserie, exécuté par Vouet sur commande de Richelieu. Il devait être exposé à la Galerie des grands hommes du Palais Royal, mais il n'y est jamais parvenu. Ceci semble contredire une note (Zerner-Chardavoine) selon laquelle cette oeuvre se trouvait antérieurement au Palais Cardinal. Bémont (page V de l’avant-propos) parle d’un château de « Burdelia » (Bourdeilles ?).

 

3.2. Le cardinal de Richelieu acheta (1624) l'hôtel de Rambouillet, au nord du Louvre, pour en faire un palais. Il acquit également les terres situées entre l'hôtel et l'enceinte médiévale de Paris. L'architecte Lemercier reçut la direction des travaux du « Palais-Cardinal ». Le cardinal, collectionneur d'œuvres d'art, installa 2 galeries de peinture, l'une dans l'aile Sud Ouest dite « Petite galerie », et l'autre dans l'aile Nord Ouest, dite « Galerie des hommes illustres ». De cette dernière subsistent aujourd'hui quelques tableaux de Philippe de Champaigne et de Simon Vouet. D'autres peintures ornaient le palais, notamment 2 toiles de Nicolas Poussin représentant « Le buisson ardent » et « Le Temps soustrayant la Vérité aux atteintes de l'envie et de la discorde ». La présence de modèles de la peinture italienne tels « La Vierge, l'Enfant et Sainte Anne » de Léonard de Vinci et « Les pèlerins d'Emmaüs » de Véronèse, fut une source d'inspiration pour les peintres français.

 

Il ne reste du Palais Cardinal que la Galerie des proues qui correspond à la façade de l'aile Nord Est donnant sur la Cour d'honneur. Cette galerie doit son nom aux bas-reliefs représentant des proues de navires, qui rappellent que Richelieu était grand maître de la navigation.

 

Le cardinal avait prévu que le roi hériterait de sa demeure. C'est pourquoi la régente Anne d'Autriche, ainsi que le jeune Louis XIV, s'installèrent (1643) dans l'aile Nord Est. Plus tard (1661), Louis XIV quitta le Palais Royal pour le Louvre. La régente confia à Simon Vouet la poursuite des travaux et de la décoration. L'un de ses tableaux, aujourd'hui conservé au Louvre, « La Prudence amène la Paix et l'Abondance », provient du Palais-Royal.

 

Des événements mouvementés eurent lieu au Palais-Royal pendant la Fronde. Les parisiens y pénétraient même pour voir le jeune roi. Louis XIV supporta difficilement cette humiliation et n'oublia jamais qu'il dut un jour s'enfuir à St Germain en Laye.

 

3.2. Une gravure (XVIIème) reprend le tableau de Simon Vouet, excepté les décors. Elle est entourée d'une bordure dans laquelle figurent diverses scènes ainsi que des notes rappelant les principaux épisodes de la croisade albigeoise (cf Montfort l'Amaury, 78 - Yvelines).

 

Gravure réalisée à partir du carton de Vouet (BnF, Cabinet des estampes).

 

Description :

 

(i) légende de l'en-tête : « Simon, Comes de Monfort Sub Phil. 2. Augusto ».

 

(ii) légende du haut, à gauche : « Exigua mille quingentorum sed potenti dei manu dimicans centum millia hostium Ecclesia Caecidit, foelix quod Lateramensis Sinodi voce Laudatus, praedaque et opimis Caesarii ».

 

(iii) légende du haut, à droite : « Spolijs donatus sit, sed eo denium maxime foelix, quod in Albigensi bello ... (?) de gloriae et fortunae hauserat Exordium, mortem Impiorum strage non Imiltam (?) oppetijr (?) ».

 

(iv) notices des médaillons situés à gauche du personnage (de haut en bas) : 1) « Siège et prise d'Agde », 2) « Caelitus ardet », 3) « Il met la ville de Mesières à feu et à sang », 4) « Claret ab ictu », 5) "Capitulation de Carcassonne ».

 

(v) notice du bas : « Siège et bataille de Muret ».

 

(vi) notices des médaillons situés à droite du personnage (de haut en bas) : 1) « Les terres du comte de Toulouse luy sont adjugées par le Sinode", 2) « Pere undo numen honorat", 3) « Il faict homage au Roy de la Comté de Toulouse", 4) « Deus (ou Decus (?)) adijcit Aris", 5) « Il fut tué d'une pierre devant Toulouse ».

 

(vii) en bas de la gravure, sur la droite, est mentionnné : « Religio Christi tanto se vindice jactat, Armis quo major nec pietate fuit ».

 

(viii) Signature (au bas, à droite) : « Campra (?) ».

 

3.3. Albert Farvacques, artiste-peintre, ancien maire adoint de Neaufles le Château (78 - Yvelines), auquel on rend ici hommage, a bien voulu réaliser pour l'auteur (1994) une peinture sur toile (1,30 m x 1,00 m) représentant le même personnage que celui de Bourdeilles. Cependant 2 différences ont été apportées :

 

* le décor d'arrière-plan reprend une gravure de Montfort l'Amaury réalisée (début du XVIIème) par Gaspard Mérian (cf Montfort l'Amaury, 78 - Yvelines) ;

 

* mais il comporte une modification importante : le manoir d’André de Foix (XVIIème), anachronique puisque Simon IV mourut en 1218, est remplacé par un donjon issu d’une reconstitution raisonnée. Cette dernière procède par élévation de l'embase dégagée lors des fouilles archéologiques des années 1989-1994 réalisées par l’ADRACHME.

 

Un anachronisme subsiste cependant, comme sur le tableau de Vouet : l'armure pleine n'existait pas encore au début du XIIIème !

 

8. Toponymie

 

A Bourdeilles se trouvaient les anciens « pagus burdillensis, castrum et castellania de Burdelhia, Bordeilla, Bordellia, Bordhela, Burdeill » (Gourgues).

 

9. Bibliographie

 

Administration du château de Bourdeilles, correspondance (années 1990)

 

Bémont, Charles, « Simon de Montfort, comte de Leicester, sa vie, son rôle politique en France et en Angleterre », Paris, 1884 (reprint chez Slatkine, 1976)

 

Bosredon Philippe de -, « Sigillographie du Périgord », Imprimerie Dupont et Cie, Périgueux, 1880

Pages 93 à 98 (nos 123 à ), Bourdeilles : Arnault Ier de - (sceaux de 1405 et 1407) ; Arnault II, seigneur de - (sceau de 1448) ; François, baron de - (sceau de 1497) ; Ylaire du Fou, douairière de -, femme du précédent (sceau du XVème) ; Jean de -, abbé commendataire de Beaulieu en Touraine (sceau de 1531) ; Pierre de -, seigneur de Brantôme (sceau de 1568) ; André, seigneur de Bourdeilles (sceaux de 1568, 1569 et 1571) ; Henri, baron de - (sceau de 1580)

Page 242 (n° 394), Bourdeilles : Henri Joseph Claude de -, évêque de Soissons (sceau de 1769)

 

Bosredon Philippe de -, « Supplément à la Sigillographie du Périgord », Imprimerie Dupont et Cie, Périgueux, 1882

Page 36 (n° 500), Bourdeilles : Henri Léonard Jean Baptiste Bertin, seigneur de - (sceau de 1768)

Page 40 (n° 508), Bourdeilles : Hélie, seigneur de - (sceau de 1345)

Page 97 (n° 607), Bourdeilles : François de -, évêque de Périgueux (sceau de 1580)

 

Florenty Guy, Bardet Jean Pierre, et Motte Claude « Paroisses et communes de France. 24, Dordogne » (démographie historique), Editions du CNRS, Paris, 1996

 

Gourgues A. (vicomte de -), « Dictionnaire topographique de la Dordogne comprenant les noms de lieu anciens et modernes », Imprimerie nationale, Paris, 1873

 

Gourgues A.  (vicomte de -), « Dordogne. Noms anciens de lieux du département », Typographie Veuve Justin Dupuy et Cie, Bordeaux, 1861

 

Griguette B., « Eloges des hommes illustres peints en la galerie du Palais Royal », Pierre Paillot, Dijon, Toussaint Guinet, Paris, 1646

 

Mérimée Prosper, Lacour Louis, « Oeuvres complètes de Pierre de Bourdeilles, abbé et seigneur de Brantôme » (tome 2), Chez P. Jannet, Paris, 1858

 

St Gelais Louis François du Bois de -, « Description des tableaux du Palais-Royal, avec la vie des peintres à la tête de leurs ouvrages », Chez D’Houry, Paris, 1727

Ne mentionne pas la peinture de Bourdeilles

 

Torre Michel de la -, « Le Guide des châteaux de france, (24 - Dordogne)  », Le méridional, Hermé, 1985 (première édition : Berger-Levrault, 1981)

 

Torre Michel de la -, « Guide de l'art et de la nature (24 - Dordogne)  », Editions Berger-Levrault, 1979

 

Zerner-Chardavoine Monique, « La croisade albigeoise », Editions Gallimard Julliard, 1979

 

Sites Intenet

 

http://www.bourdeilles.com/ (mairie de Bourdeilles)

 

http://www.patrimoine-de-france.org/oeuvres/richesses-3-876-13787-P196048-38234.html (référence à l'oeuvre de Vouet du ministère de la Culture)