« Les instantanés. Croquis et impressions de voyage d'un métromane, 1902-1903 » (tome 1)

L.D. Bessières

Emile Colin, Imprimerie de Lagny

1904

 

Montfort l'Amaury

 

De Montfort j'ai gardé pieuse souvenance.

Il a vu ma jeunesse et bercé mon enfance ;

J'eus là des grands-parents dès longtemps disparus,

Des vieux amis qui ne sont plus.

 

Comme autrefois la ville est-elle encor gentille ?

Personne d'aujourd'hui n'y connut ma famille ;

J'y reviens maintenant, mais tout a dû changer,

Et je n'y suis qu'un étranger ...

 

Je retrouve pourtant la charmante colline

Où je venais m'assoir dessinant la ruine

De la tour Saint Laurent dont les détails coquets

Emergent toujours des bosquets.

 

Descendant, j'entrevois la ville tout entière,

La place, ses maisons, auprès, le cimetière,

L'église, le clocher qui domine le tout,

Et l'antique porte Bardou.

 

Avec l'église encor je refais connaissance :

Le roman, l'ogival, aussi la renaissance

Ont marqué leur passage ... Oui, le portail, je crois,

Est de l'époque d'Henri trois.

 

Après les beaux vitraux, une oeuvre magistrale,

Le contemple à nouveau la porte latérale,

Au midi, géminée, ayant l'éclat entier

Du bel art de François premier.

 

Du milieu de la place, une étroite ruelle

Conduit au cimetière ; une porte assez belle

Du quinzième pénètre à l'angle de l'enclos

D'un unique champ de repos.

 

Deux charniers curieux et d'un grand caractère,

Arcades et piliers faits de brique et de pierre,

Datant du dix-septième, aux combles apparents,

Montrent leurs dessins différents.

 

Entre les bras claustraux de cette architecture,

Au centre de l'enclos, la nuit, dans la verdure,

Apparaissent les croix, les cippes isolés,

Fantômes blancs inconsolés.

 

On dit que Ciceri, lors de Robert le Diable,

Prit ici le motif d'un décors admirable :

Ensemble, pittoresque, inédit, surprenant,

Pieux et impressionnant !