ET LES MONTFORT
XIIème-XIVème siècles
Nouvelle approche des
vestiges médiévaux
Jacques LABROT, Jean MONFORT,
François SCHEIDBACH
Centre National de Recherche sur les Jetons et les Méreaux du Moyen Age,
Versailles
En 1948,
paraissait sous la plume du docteur André Nicolas Rabourdin, président de la
Société Archéologique de Rambouillet, une étude du prieuré royal de Haute Bruyère
qui sert aujourd’hui encore de référence tant il est vrai que les vestiges
documentaires touchant à ce prieuré demeurent réduits [1].
Notre
modeste propos au fil de ces quelques pages se bornera à présenter une lecture
partielle et renouvelée de certains éléments médiévaux et, par un éclairage
particulier, tentera d’entrouvrir de nouvelles pistes de recherches.
Du
prieuré médiéval isolé entre Saint Rémy l’Honoré et les Essarts le Roi ne
subsistent qu’un bâtiment qualifié de « grange » par Rabourdin,
partiellement conservé, quelques arcades de l’ancien cloître, une dizaine de
chapiteaux romans et quelques fragments de pierres tombales. C’est bien peu
pour un prestigieux édifice dont le cartulaire a lui-même disparu dans la
tourmente révolutionnaire avec les cent cartons d’archives, qui avaient été
classées en 1791 par le notaire Claye.
Des
fouilles archéologiques en règle ne donneraient que bien peu d’éléments, les
fondations des bâtiments médiévaux ayant été bouleversées à diverses reprises,
depuis la construction de l’actuel « manoir », édifié en 1798 avec
les pierres du prieuré rasé, jusqu’aux travaux successifs entrepris au début du
XXème siècle pour l’aménagement des abords du nouveau bâtiment. Les fragments
des pierres tombales, mises au jour et conservées depuis, témoignent encore de
ces bouleversements irrémédiables.
L’énormité
de ces lacunes justifie que l’on ne néglige maintenant aucune piste, si ténue
soit-elle, pour tenter de recomposer quelques unes des pièces d’un vaste
puzzle.
Si
Rabourdin signale le classement, parmi les Monuments Historiques, d’un blason
du couvent gravé au XVIIème siècle dans la pierre au dessus d’une petite porte
murée située à droite du porche d’entrée de la ferme, il ne souffle mot du
tympan surmontant la porte de la « grange », orné d’une figure de
Vierge Assise gravée au trait, qui a pourtant été classé Monument Historique
par arrêté du 25 janvier 1934 [2].
On
regrettera que ce classement n’ait pas englobé, dans le même mouvement, une
étrange statue située un peu plus haut, sur la paroi de l’ « échauguette » ronde qui surplombe
la porte. Façade et tourelle demeurant les seuls vestiges médiévaux intacts
d’un bâtiment maintes fois remanié.
1-La personnalité de
Bertrade de Montfort et les débuts du prieuré
L’histoire
de Bertrade de Montfort, contée par Rabourdin, s’appuie sur les récits de
quelques clercs chroniqueurs qui n’ont pas eu de mots assez durs pour
stigmatiser l’attitude scandaleuse de l’adultère, quittant le comte d’Anjou son
mari, pour se glisser par intrigue dans la couche royale de Philippe 1er,
en 1092. D’avatars en excommunications, le scandale déclenché aux yeux de
l’Eglise prendra fin en 1104, lorsque Bertrade et Philippe jureront devant
l’évêque d’Arras de cesser toute relation entre eux. Retirés au profit de Louis
VI, les conjoints, s’ils ont renoncé à la couronne, conservent le titre de « roi »
et de « reine », les enfants issus de leur lit étant éventuellement
admis à succéder à leur père sur le trône en cas de défaillance de la branche
aînée.
Après la
mort du roi Philippe en 1108, n’ayant plus rien à espérer sur un plan
politique, Bertrade qui gardait le rang de reine, choisit de « faire
définitivement sa paix » avec l’Eglise en se retirant dans le nouveau
monastère de Fontevrault, qui accueillait, sous l’impulsion de Robert
d’Arbrissel, une communauté de femmes de toutes conditions, mais composée pour
la plus grande part de « filles repenties » ou de veuves [3]. Aux
yeux du clergé, ce monastère semblait tout indiqué pour Bertrade, qui répondait
à ces deux spécificités. Une autre reine, jugée plus tard toute aussi
scandaleuse, Aliénor d’Aquitaine, terminera également ses jours dans cette même
abbaye.
Si l’on
tient compte de la partialité engagée d’une partie des clercs chroniqueurs, il
convient de relativiser les propos venimeux tenus à l’encontre de Bertrade. Si
scandale il y eut, il fut surtout ressenti comme tel par une partie du clergé,
et subi par une population sans doute moins véhémente, mais qui encourait
l’excommunication en contrecoup des frasques royales. Il n’est pas certain que
le prestige de Bertrade en ait été diminué au sein de l’aristocratie.
Sa forte
personnalité étant davantage contestée par un clergé misogyne redoutant les
intrigues de la femme au pouvoir (lorsqu’elle alliait beauté et intelligence),
que par la noblesse dont les mœurs étaient parfois relâchées et qui protégeait
ses pairs [4].
Bertrade
a-t-elle réellement tenté d’empoisonner Louis VI, pour imposer sa descendance
sur le trône, ou bien cette rumeur ne fut-elle en définitive qu’une forgerie de
clercs vindicatifs ?
Il ne
semble pas en tout cas que Louis VI lui en ait tenu rigueur, à partir du moins,
de son retrait en religion, si l’on en croit les dispositifs bienveillants pris
à l’égard du nouveau prieuré royal de Haute Bruyère. Amaury de Montfort, frère
de Bertrade, officier royal, gruyer de la forêt Yveline et, à ce titre,
familier du souverain, demande à Louis VI de se joindre à lui pour fonder un
prieuré à Haute Bruyère pour sa sœur (avec l’assentiment de Robert d’Arbrissel
et de l’évêque de Chartres), afin d’assurer à cette dernière une retraite plus
conforme à son rang. Parties intégrantes du domaine de la couronne, les terres
choisies, à l’extrémité du domaine de Montfort, avaient été données en dot à
Bertrade par le roi Philippe 1er, et lui appartenaient en propre.
L’inauguration du nouveau prieuré eut lieu à la fête de Noël 1115, et fut
l’occasion d’importantes festivités. Robert d’Arbrissel en personne vint de
Fontevrault avec une colonie de religieuses composée selon toute vraisemblance
de parentes et d’amies de l’ancienne reine, membres depuis longtemps de son
entourage et honorées de la rejoindre dans sa nouvelle résidence. Angarde,
l’abbesse de Fontevrault et son économe, Pétronille de Chemillé, étaient du
voyage afin d’accroître encore la solennité de l’événement. On connaît le nom
de quelques-unes de ces « compagnes » de la reine : Ermangarde,
comtesse de Bretagne, fille de Foulques le Rechin et belle-fille de Bertrade,
Jeanne Payenne, nièce de Bertrade, et ses amies Péronne de Charisse, et
Hersende de Montsoreau. En 1123, la fille d’Amaury de Montfort, Denise entrera
à son tour au prieuré et viendra se joindre à cette parentèle.
On
comprendra à la lecture de ces éléments, que l’installation de Bertrade à la
tête d’un prieuré spécialement fondé pour accueillir sa personne et peuplé de
ses familières n’avait, dans ces circonstances, rien d’une disgrâce royale.
La
protection royale qui s’étend sur l’importante communauté religieuse [5] ne
cessera de se perpétuer d’un souverain à l’autre, concrétisée par des
privilèges tels que les droits d’usage accordés aux religieuses dans la forêt
royale de Montfort [6]. Le prieuré semble atteindre son apogée démographique
dès la fin du XIIème siècle, tandis qu’il accroît ses biens et ses terres par
donations et essartages jusqu’au XIVème siècle, période durant laquelle il
bénéficiera de la protection toute particulière des seigneurs et des comtes de
Montfort, qui choisiront de se faire inhumer dans le prieuré.
La mort
de la reine Bertrade et son inhumation solennelle dans le chœur de l’église
priorale en 1128 marquent le début d’une longue ascension de Haute Bruyère. Sa
tombe royale était fermée d’une dalle de marbre noir recouverte d’une plaque de
cuivre rouge ciselée, sans doute à l’image de celles que nous connaissons
encore pour Geoffroy Plantagenêt ou pour les enfants de Saint Louis, Blanche et
Jean à Saint Denis.
Le corps
métallique de la reine, ciselé en relief, mains jointes, devait être garni, en
bordure, de la plaque de cuivre émaillée et, sur son pourtour, d’orifices
permettant de placer des cierges destinés à brûler en permanence. La tombe fut
visible jusqu’en 1794.
2-Haute Bruyère, lieu de
sépulture des Montfort
Depuis
les débuts de leur dynastie, les Montfort s’étaient fait enterrer à Epernon :
d’abord au prieuré de la Trinité de Seincourt, fondé en 1032, puis dans le
prieuré de Saint Thomas à compter de 1053.
Mais, à
partir de l’inhumation de la reine Bertrade à Haute Bruyère, dont la renommée
rejaillissait évidemment sur toute la famille, les Montfort, à quelques
exceptions près, choisirent désormais de se faire inhumer dans le nouveau
prieuré bénéficiant de la protection royale. Le frère de Bertrade, Amaury III,
dénommé fondateur et protecteur de la communauté, fut inhumé à son tour en
1137, au chapitre, au fond de l’église, à la place d’honneur des prieures et
prieurs successifs, foulés symboliquement aux pieds en signe d’humilité par les
religieux assemblés en conseil pour prendre les décisions touchant à l’avenir
de la communauté. Le chapître des vivants bénéficiant en retour, des prières et
des conseils des anciens « Pères et Mères » défunts, ensevelis sous
les dalles de cette salle commune.
Si le
nécrologe originel de Haute Bruyère n’a pas été conservé, un manuscrit du
XVIIème siècle subsiste, reproduisant une liste de sépultures relevée sur une
ancienne copie de l’obituaire rédigée dans une langue datant du début du XIVème
siècle. C’est ce document qui a été publié par Molinié et Longnon dans les « Obituaires de la Province de Sens ».
Le texte débute en précisant : « Ce
sunt li non des hoirs de Montfort, qui gisent à Hautebruiere, ou chapitre et ou
moustier, et de ceux qui gisent en autres églises, dont nous faisons les
anniversaires ».
Ce choix
par les Montfort du prieuré comme lieu de sépulture familiale revêt une
profonde signification. Le prieuré, prospère déjà, placé sous protection
royale, bénéficie en outre de l’appui des Montfort qui multiplient dons et
fondations obituaires, attirant par leur influence une parentèle de nouveaux
donateurs. Parmi d’autres obligations, les religieuses ont pour mission de
prier, de célébrer les messes anniversaires fondées à l’intention des défunts
et d’entretenir les luminaires, lampes et cierges brûlant en permanences sur
les tombes [7].
La
renommée de la reine fondatrice, dont l’image de « pécheresse repentie »
est cultivée par le clergé, doit édifier les foules, attirer les visiteurs et
faire affluer de nouveaux dons.
Si le
processus ne peut se comparer par son importance à celui qui distingue les
sanctuaires de pèlerinages, il n’en demeure pas moins réel, d’autant que les
religieuses développent en parallèle une activité hospitalière
traditionnellement tournée vers l’hôtellerie, l’accueil des voyageurs et les
soins donnés aux malades.
3-Un
« pèlerinage » sur la tombe de Simon de Montfort et un prestige accru
pour le prieuré ?
Si le
personnage de Simon de Montfort, chef de la « croisade Albigeoise »
est contesté et haï à juste titre en Languedoc, sa renommée immense au sein de
l’Eglise, entretenue par les cisterciens et les dominicains, est considérable en
Ile de France et dans toutes les terres du Nord.
Pierre
des Vaux de Cernay, qui s’est attaché à composer l’hagiographie de Simon de
Montfort et son panégyrique, nous décrit son arrivée victorieuse en Pays de
France en 1215 et l’accueil triomphal qu’il reçoit de populations locales
l’acclamant et le révérant à l’égal d’un souverain thaumaturge [8]. Nul doute
que cet enthousiasme et cette ferveur se sont encore accrues au sein du clergé
après la mort de Simon sous les remparts de Toulouse, sa fin brutale le
transformant en très glorieux martyr de la Foi, ainsi que le confirme Pierre de
Vaucernai [9].
Lorsqu’en
1224, le fils de Simon, Amaury, quitte définitivement Carcassonne, il fait
exhumer les restes de son père et les transporte avec lui jusqu’à Haute Bruyère.
On peut imaginer sans peine le faste et la solennité funèbres qui ont dû
accompagner cette cérémonie d’inhumation en présence d’une foule innombrable. A
cet instant, pour tous les participants, «
le saint et le martyr doit ressusciter, avoir sa part d’héritage et fleurir
dans la merveilleuse joie, porter la couronne et siéger dans le Royaume »
[10]. Guillaume Le Breton écrit dans
son Chronicon : « Sanctus comes
Simon…fuit martyrio coronatus » [11], et le moine Bernard Itier, de
Saint Martial de Limoges, précise en mentionnant la mort de Simon que des
miracles ont lieu sur son tombeau [12].
Une bonne
part du clergé, dans le Nord en particulier, considère d’emblée Simon de
Montfort comme un saint, et la rumeur lui attribue des miracles qui semblent indiquer
une affluence régulière de visiteurs venant prier sur la tombe du martyr « de sainte mémoire » [13]. Un
« pèlerinage » de fait, qui
ne dit pas son nom en l’absence de canonisation, se serait donc officieusement
instauré avec l’accord tacite ou la bienveillante cécité des religieuses. Nul
ne pouvait interdire les débordements de la ferveur populaire du Nord envers un
« martyr », même si les
souverains pontifes successifs ne pouvaient en aucun cas se résoudre à
canoniser ou même à béatifier publiquement un personnage parfois haï dans le
Sud, en un geste qui aurait réveillé de dangereuses passions.
L’église
du prieuré n’en avait pas moins revêtu les apparences d’un sanctuaire abritant
tout d’abord les fragments du bois de la Vraie Croix [14], puis les ossements
de Simon (et ceux de son épouse Alix ensuite) à droite du maître-autel,
recouverts d’une dalle portant gravée son effigie au trait, entourée d’un texte
latin comparant ses mérites à ceux de Mars, de Pâris et de Caton, tout à la
fois (on le rend héroïque à défaut de pouvoir en faire un saint). La majesté du
tombeau central s’accroît ensuite en arrière-plan, du décor funèbre d’un
formidable ensemble composé des tombes des autres protagonistes familiaux, les
compagnons d’épopée de la croisade qui l’accompagnent, l’entourent peu à peu,
le valorisant comme chef de clan et héros de saga : à ses pieds, son fils,
le comte Gui de Bigorre, tué au siège de Castelnaudary. Plus loin, son frère
Gui de Sagette, mort en 1229. La statue funéraire de son fils Amaury, le
connétable, admiré de Saint Louis et mort à Otrante, faisait face à celle de
son père, tous deux armés en guerre et appuyés sur leur écu. Nul doute que ce
cadre impressionnant n’ait été destiné à édifier un visiteur pénétré
d’émotions.
Les
conditions ayant été partiellement réunies de son vivant même, c’est pour ainsi
dire, un véritable cycle de Chanson de Geste que semblent avoir tenté de créer
les Cisterciens et d’autres religieux, comme ce fut le cas pour Guillaume
d’Orange lié au destin de l’abbaye de Gellone. Simon, qui n’est pas sanctifié,
est cependant tombé au combat « en martyr », alors qu’il bénéficiait
d’une « aura » de « chevalier du Christ », missionné par
Dieu et soutenu par les prières incessantes de tout le clergé [15]. Cette
dernière le rendait proche par certains aspects de l’état des moines-soldats
templiers ou hospitaliers, combattants de l’Eglise pour le Christ, mais le
dispensait pour sa part de toute règle monastique et du serment de chasteté
(c’est d’ailleurs ce statut singulier et extraordinaire tacitement acquis par
lui, que Simon avait décidé d’officialiser en le transmettant publiquement à
son fils Amaury solennellement armé « Chevalier du Christ » par deux
seigneurs-évêques, devant l’assemblée des barons croisés [16]). A en croire
Joinville, Amaury sera pris ensuite en exemple et cité par le roi Louis IX,
lui-même futur Saint, comme modèle de sainteté [17].
Si le
prestigieux défunt semble sombrer dans l’oubli après l’extinction de la lignée
des Montfort et durant la guerre de Cent Ans, l’intérêt pour le personnage
renaît à partir des années 1540. François Ier avait
conservé le souvenir ému d’un séjour d’enfance à Fontevrault durant lequel un
accident avait failli lui coûter la vie : blessé gravement au front par
une pierre, il avait été soigné par le médecin de l’abbesse et par les
religieuses. Ces dernières l’avaient-elles placé dans leurs prières, sous la
protection de Simon le Martyr, « de
sainte mémoire ? ». On peut le supposer. Simon réputé faiseur de
miracles avait subi « son glorieux
martyr », frappé à la tête par une pierre de machine ! Le Roi en
avait conservé un attachement pour Haute Bruyère. Après la mort du roi à
Rambouillet en 1547, son corps fut transporté solennellement au prieuré où l’on
procéda à l’inhumation du cœur et des entrailles.
Dans la
tourmente nouvelle des guerres de religion qui se déchaînent bientôt, l’image
emblématique de Simon, le glorieux combattant de la Foi est remise à l’honneur
par le parti catholique tandis que l’Historia Albigensis est traduite, publiée,
colportée et sans cesse rééditée entre 1560 et 1590 à des fins d’édification et
de propagande [18].
C’est
dans ce contexte passionné que les religieuses de Haute Bruyère s’avisent
soudain de restaurer la tombe du martyr, usée par les pas des fidèles qui
recommencent sans doute à affluer. La dalle brisée est remplacée, la sépulture
est réaménagée, plus somptueuse et plus imposante encore. Vers 1570, Claude
Rabet compose une nouvelle épitaphe dans le style de la précédente, gravée sur
la pierre. Quant aux religieuses « enthousiastes », elles décident
avec la bénédiction de la hiérarchie épiscopale, de conserver le crâne exhumé
de Simon « enchâssé » dans un reliquaire d’argent, exposé ainsi, par
voie de conséquence à la vénération des dévôts. Il ne fait aucun doute que ces
aménagements spectaculaires sont destinés à encourager et à
« accompagner » l’élan de ferveur populaire qui fait converger à
nouveau les visiteurs vers ce qui ressemble toujours davantage au décor de
« sanctuaire » d’un « pèlerinage inavoué ».
Lors de
sa visite dans l’église en 1647, le dominicain Jean de Rechac a pris soin de
noter la somptuosité du lieu restauré [19] : on ne foule plus aux pieds la
dalle funéraire, le tombeau a été surélevé, une lame (de cuivre ? comme
sur la tombe de Bertrade?) gravée porte sans doute son effigie et les vers de
Claude Rabet. Le texte reprend le propos médiéval qui assimilait Simon de
Montfort à un héros de légende, et le comparait aux plus grands hommes que la
terre ait porté.
4-La statue, image d’un
Saint Patron ou personnification de Simon de Montfort ?
Une bien curieuse statue orne la
« grange » de Haute Bruyère et s’inscrit parmi les multiples
particularités de la façade de ce bâtiment.
Si ce
bâtiment a pu être conçu pour faire office de grange, ainsi que le constate
Rabourdin, ce n’est certes pas la seule fonction qu’il ait remplie.
L’observation de sa façade permet de constater la dissymétrie des deux pans de
la toiture, attestant d’un remaniement, chronologiquement malaisé à situer. Au
contraire des granges médiévales comparables, disposant parfois en façade d’une
tourelle abritant un escalier à vis intérieur d’accès aux étages, le
constructeur à conçu ici, sans doute par souci d’économie, une portion de tourelle reposant
sur un fort pilier central jouant accessoirement un rôle de contrefort pour la
façade. Le décrochage de formes et de volumes entre le cylindre de la tourelle
et la masse rectangulaire du pilier accolé à la façade plane est rattrapé sur
le plan esthétique architectural par deux arcatures traitées en « fausses
trompes » soutenant la tourelle. L’accès à l’intérieur de cette tourelle
est assuré pour le premier étage, par un escalier extérieur courant sur la
pente de bordure de la façade droite. Après l’accès à son niveau inférieur,
trois marches engagées, pierres fixées en décalage sur le pan arrière de la
tourelle, permettaient un accès extérieur complémentaire au second étage de ce
qui semble avoir joué le rôle d’un petit clocher. Deux trous de
« boulins » dans la paroi intérieure attestent de la position d’une
poutre maîtresse diagonale pouvant avoir supporté une cloche et son dispositif.
La tourelle, percée de séries d’étroites ouvertures, était-elle couronnée d’une
toiture en terrasse permettant le guet par une vision complète des
alentours ?
On ne
saurait le dire. Les ouvertures « en meurtrières » qui demeurent ne
semblent pas favoriser un large champ de surveillance visuelle. La thèse plus
vraisemblable du petit clocher nous ramène vers la fonction accessoire de
chapelle que le bâtiment a dû jouer à certaines époques. La présence d’un
tympan gravé surmontant la porte, sur laquelle nous reviendrons, totalement
inhabituelle pour une grange, évoque elle aussi une utilisation religieuse de
cet édifice. Cette utilisation avait d’ailleurs été mentionnée en 1845 par
Auguste Moutié [20].
Si nous
retenons la fonction du bâtiment signalée par Moutié, il serait logique
d’attendre d’une statue extérieure qu’elle figure le Saint Patron des
propriétaires de l’édifice.
S’il
s’agit de la chapelle des Pères, la petite communauté fontevriste d’hommes,
voués à exécuter les tâches les plus lourdes, trop pénibles pour la communauté
religieuse féminine, semble avoir été placée par Robert d’Arbrissel sous le
vocable de Saint Jean l’Evangéliste.
Notre
statue a été désignée comme « statue
de Saint Louis » par une tradition populaire locale erronée qui semble
relativement récente (cartes postales 1900). On serait tenté d’y voir en toute
logique une statue de Saint Jean l’Evangéliste, patron de la chapelle des
Pères.
Cependant,
à l’exception du livre, notre statue n’en comporte aucun attribut, comme elle
ne présente aucun des attributs royaux habituels tels que sceptre, épée et
couronne, en dehors de ce qui semble figurer un trône surmonté d’un dais. Le
livre tenu par le personnage pourrait correspondre à l’évangile de Saint Jean,
nommé parfois Saint Jean de Pathmos, du nom de l’île dans laquelle il écrivit
l’Apocalypse, et dont l’emblème symbolique était l’aigle, figurant dans sa
vision, près du trône de Dieu. Saint Jean lui-même n’est en aucun cas
représenté assis sur un trône, un lion sous ses pieds, comme c’est ici le cas.
Le lion est le symbole de Marc, un autre évangéliste, lorsqu’il pose sa patte
sur l’évangile.
Notre
statue ne présente par ailleurs aucun autre attribut royal, épiscopal ou
monacal (ni mitre ni crosse). Les attributs qui sont les siens semblent
contradictoires et incompatibles (trône, dais surmontant la tête nue, et
livre). Le vêtement n’est ni royal (pas de manteau) ni ecclésiastique (pas de
chasuble, de toge ni de long drapé enveloppant). Il ressemble plutôt à la cotte
d’armes sans manches d’un chevalier ou d’un seigneur féodal telle que nous
pouvons encore l’observer sur la statue funéraire de Gui Ier de Lévis, compagnon de Simon de Montfort, conservée
en la chapelle de Lévis - Saint Nom. Ce chevalier porte par ailleurs une
chevelure mi-longue aux extrémités bouclées comparable à celle de notre statue.
Un
chevalier du Christ, combattant pour la Foi ne pouvait pas, en principe, être
représenté assis tenant un livre.
Et
cependant… Dans le cadre d’une nouvelle hypothèse nous rapprochant du personnage
« quasi- légendaire » de Simon de Montfort, sa représentation en tant
que « protecteur » du bâtiment, pourrait contourner ces deux
difficultés : un fragment de sceau de Simon le représente coiffé à
l’identique, porteur d’une cotte sans manches comparable, tenant une épée et
sans doute assis sur une chaise dans une posture identique à celle que
prenaient avant lui les comtes de Toulouse sur leurs sceaux. Simon prétendant
au comté de Toulouse pouvait être représenté assis sur un trône (double prétention
au trône comme « prince » vassal direct du Saint Siège pour les
terres conquises [21] et au trône céleste posthume pour sa Foi et son
« martyre »), mais dans ce cas, il devait tenir l’épée. C’est oublier
trop vite la mission divine confiée à ce personnage, porté « en odeur de
sainteté » par les dominicains et surtout par les cisterciens, dont Pierre
de Vaucernai nous dit qu’elle lui fut indiquée par la consultation quasi
miraculeuse des « écritures » du « Livre » [22]. Le livre,
qui représente dans l’iconographie chrétienne la règle ou l’enseignement écrit
d’un saint, ne pourrait-il, ici, rappeler le caractère sacré de la mission
révélée par les Ecritures à un héros de l’Eglise « de sainte
mémoire » ?
Le lion,
présent sous les pieds de la statue peut y figurer symboliquement à plusieurs
titres. Bon gardien, dans sa caverne, il dort les yeux ouverts. Quand sa gueule
béante rugit, elle ouvre sur les espaces infernaux. De son souffle, le lion qui
passe pour ressusciter ses petits morts-nés tandis que la lionne les veille
trois jours, peut aussi insuffler l’Esprit Saint et impulser la vie
spirituelle. Symbole de résurrection, comme le Christ, lion de Judas ressuscité
de son tombeau le troisième jour, il est l’agent intermédiaire entre les mondes
souterrains infernaux et les mondes célestes. Fort et implacable, noble et
généreux, il incarne la majesté. Féroce et orgueilleux, sa force impétueuse
peut aussi le changer en un despote à l’avidité aveugle [23]. Couché sous leurs
pieds, il garde les gisants des défunts. Cette ambivalence de caractère fut
celle de Simon : d’abord, fort et noble dans la victoire, puis aigri,
cruel et avide jusqu’à sa chute. Ses armes comportaient un lion et Pierre de
Vaucernai, citant les Ecritures de la Bible, le compare fréquemment dans son
récit à Judas Maccabée, « le Lion de sa tribu » [24].
Le style
de notre statue semble la placer dans une fourchette chronologique allant de la
fin du XIIème à la fin du XIIIème siècle pour une statuaire de traitement
fruste et local.
Est-elle
contemporaine des parois de la tourelle sur lesquelles elle a été
insérée ? Certaines des pierres blanches ne permettent pas de l’affirmer.
La statue a pu être insérée à une époque ultérieure. Cette hypothèse est rendue
vraisemblable si l’on considère la hauteur inhabituelle à laquelle la statue a
été placée. Du sol, le passant ne peut distinguer clairement ses traits. Cet
emplacement demeure difficilement explicable. La vision rapprochée n’était
permise latéralement qu’au visiteur ayant gravi les marches, et sur le point de
pénétrer dans la tourelle. La statue indiquait-elle une protection particulière
de ce clocheton ? La pièce abritait-elle un contenu particulier ou un
oratoire ? C’est peu probable.
La statue
a pu être « récupérée sur le tard », et placée (peut-être même
au XVIème siècle), à cette hauteur, ce qui pourrait corroborer son
identification à Simon de Montfort en des périodes ou le « fanatisme
religieux » était à la recherche de symboles forts et porteurs pour le
prieuré ?
5-Le tympan du portail à la Vierge
gravée au trait
Inhabituel
en un tel lieu, en l’absence de chapelle, le motif du tympan nous rappelle que
le prieuré de Haute Bruyère était dédié à Notre Dame et qu’il possédait une
Eglise Sainte Marie [25]. Dans un tel contexte, il n’est pas invraisemblable de
voir la Chapelle des Pères - fut-elle dédiée à Saint Jean l’Evangéliste -
présenter un tympan orné de la Vierge, dans la mesure où nous savons par la
règle qu’aucune femme ne devait entrer à la Chapelle des Pères, « sauf en la partie commune de la
Chapelle à l’occident... » [26].
Surmontant
le portail cintré et situé sous un arc ogival, le tympan inhabituel, est
composé d’une dalle plate d’un seul tenant, gravée au trait. L’arc ogival et le
style du décor permettent de penser à une modification de la façade effectuée
dans le courant du XIVème siècle. La dalle gravée au trait composant le tympan
semble même avoir pu être découpée à partir d’une dalle plus importante « récupérée
et réutilisée dans ce cadre spécifique » [27].
Le décor
du tympan est composé d’une Vierge à l’Enfant assise sur un autel, encadrée par
deux flambeaux ou luminaires. Ce genre de décor accompagnant la Vierge, assez
particulier, se rencontre essentiellement dans un environnement de type
funéraire.
Sur un
plan symbolique, l’autel était initialement un tombeau et comportait un « sépulchre » pour une relique. S’il
figure avant tout la table où est célébrée la Cène, il symbolise également à
cette époque le Corps du Christ descendu de la croix et couché dans le
sépulcre, tandis que la nappe blanche de l’autel figure son linceul [28]. Le
chandelier, signe de vie éternelle, désigne la vie dans l’Au-delà ; lié au
thème biblique de la lumière, il était déjà présent peint ou sculpté de part et
d’autres du défunt sur les très anciennes tombes chrétiennes. C’est le
luminaire que l’on entretenait perpétuellement dans les chapelles latérales ou
absidales décorées, abritant les tombeaux familiaux à une époque où les messes
pour les défunts se développent en parallèle à la vénération de la Vierge [29].
Les
Vierges à l’enfant assises sur l’Autel, entourées de chandeliers sont ainsi
présentées au XIVeme siècle dans le contexte d’enfeux, le défunt étant
représenté à genoux en prière aux pieds de la Vierge. Nous avons retrouvé les
dessins très semblables de trois Vierges du XIVème siècle peintes à fresque sur
les murs de tombes placées en sous-sol à Notre Dame de Bruges.
C’est la
Vierge Mère ayant donné la vie au Christ ressuscité, qui peut intercéder
« en avocate » auprès de son fils pour les défunts afin qu’il leur
accorde la vie éternelle. Mère du Christ et Mère de tous les agonisants qui
l’appellent « maman », la Vierge était en effet l’intercesseur
principal des mourants dont les prières avaient pour fonction de la supplier
d’assister le moribond durant son trépas, tandis que les membres de l’entourage
attendant à coté de la porte la fin de l’agonie, portaient une chandelle
allumée… Chacun guettait le dernier souffle et observait la bougie dont la
flamme vacillait soudain... [30].
La
présence d’une telle symbolique, jointe aux étrangetés de la réalisation du
tympan, lui-même curieusement placé au dessus d’un simple portail d’entrée,
complique quelque peu la lecture du bâtiment, les étapes de la chronologie de
ses transformations successives et la compréhension des différentes fonctions
qu’il a été manifestement amené à occuper.
Simple
chapelle, dotée ou non d’un oratoire particulier dans l’un des étages de son
petit clocher ? Edifice consacré plus particulièrement aux célébrations
obituaires ? Salle d’hospice ou d’accueil des visiteurs malades et des
mourants ? Enfin, plus récemment encore, grange agricole ?
Les
quelques observations que nous nous sommes efforcés de dégager au fil de ces
lignes attestent sans nul doute de bouleversements architecturaux et
fonctionnels jalonnant la longue durée de la période médiévale, eux-mêmes
reflets très vraisemblables d’importants remaniements vécus par une grande
partie ou par l’ensemble des bâtiments du prieuré en fonction de conjonctures
évènementielles politiques ou économiques marquantes.
Le champ
d’investigations demeure particulièrement large pour tenter de résoudre les
nombreuses questions demeurant en suspens. De futures recherches permettront à
n’en pas douter de renouveler la compréhension d’un site prestigieux encore
trop méconnu.
NOTES en renvoi
1 André-Nicolas RABOURDIN, Le Prieuré Royal de Haute Bruyère de l’ordre
de Fontevrault, Société Archéologique de Rambouillet 1948 (réédition mars
2003). Nous renvoyons le lecteur à cet ouvrage pour la description complète des
lieux, l’historique détaillé ainsi que la bibliographie traditionnellement
utilisée.
2 Ministère de la Culture,
Monuments Historiques 1992, Type étude Recensement immeubles MH-référence
PA00087646.
3 Pierre BAYLE, Dictionnaire Historique et Critique,
tome second, 1738, pp 479-485, article : Fontevraud. Selon cet auteur,
Robert d’Arbrissel avait pour talent particulier de convertir toutes les filles
de joie.
4 On se reportera sur ce
sujet au brillant exposé de Franck COLLARD (Université de Reims),
« Venenosa Mulier Coronata, Variations sur la figure de la Reine
empoisonneuse dans l’occident médiéval »,
publié dans : « Reines et Princesses
au Moyen-Age », Actes du cinquième colloque international de Montpellier,
publication de l’Université Paul-Valéry - Montpellier III, volume 1. 24-27
novembre 1999 - pp 303-322.
5 Le communauté s’élevait à
200 personnes dès le XIIème siècle selon la relation du voyage de Saint Pierre
de Tarentaise en 1160.
6 Pour 140 cordes de bois à
brûler, des bois à bâtir et le pacage de 80 vaches et de 60 porcs, droits
confirmés en 1222 par une charte du seigneur de Montfort. Droits régulièrement
augmentés et confirmés ensuite, notamment en 1537 par François 1er.
7 Jacques LABROT, « les
moines et la mort, les méreaux obituaires et les chanoines », in Le Livre des Mereils, bulletin
du CNRJMMA. n°19, Versailles 1993.
8 Pierre de VAUCERNAI :
« Historia Albigensis » :
Traduction Guébin et Maisonneuve, Edition Vrin 1951, § 573, p 216 :
Partout où il allait : « le
clergé et le peuple allaient en procession à sa rencontre et l’acclamaient en
ces termes : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Telle
était la pieuse et religieuse dévotion du peuple que quiconque pouvait toucher
le bord de ses vêtements s’estimait bienheureux ». Si elle évoque le
Christ, la phrase tirée de Matthieu, XXI, 9, n’est pas sans rappeler celle
figurant en légende de bordure des monnaies royales : « BENEDICTVM SIT
NOMEN DOMINI », et le roi avait le pouvoir de guérir les écrouelles. On se
reportera pour ces sujets à l’ouvrage de Marc BLOCH, Les rois thaumaturges, Oxford 1924, et Alain WEIL, les pouvoirs cachés de la Monnaie,
Fayard 1980.
9 Pierre de VAUCERNAI, Historia Albigensis, op. cit, §
612, p 234 (L’hésitation prudente marquée soudain par Pierre : « sauf erreur », qui dénote avec son
lyrisme précédent, semble une réponse indirecte donnée en écho à la
protestation violente émise par le continuateur anonyme de la Canso : «..Il est dit dans son épitaphe… qu’il est un
saint et un martyr…qu’il doit porter la couronne et siéger dans le royaume… Et
moi j’ai entendu dire que c’est ainsi qu’il doit en être si en tuant des
hommes, en répandant le sang… en attirant le mal…en tuant des enfants, un homme
peut en ce monde conquérir Jésus Christ, alors celui-là a le droit de porter la
couronne et de resplendir dans le ciel... » (§ 208) (voir note
suivante). Ces quelques lignes de part et d’autres semblent trahir la résurgence
immédiate de violentes controverses et de luttes polémiques entre deux partis
au sein même du clergé, pour savoir s’il fallait ou non sanctifier Simon. Ces
querelles de partis au sujet de Simon avaient en fait éclaté dès 1215, au
concile du Latran à propos de ses mérites et des terres (cf : Anonyme
provençal de la Canso ou Chanson de la
Croisade Albigeoise, traduction Martin-Chabot, Paris, Editions Les Belles
Lettres, 1973, § 147 à 150).
10 Tel est le contenu de
l’épitaphe de Simon décrit et critiqué par l’anonyme provençal de la Canso, au
XIIIeme siècle, Chanson de la Croisade
Albigeoise, traduction Martin-Chabot, Paris, Editions Les Belles Lettres,
1973, vers 3-6, pp 226-229.
11 Guillaume LE BRETON, Chronicon - T1 - Edition HF Delaborde, p
316.
12 Bernard ITIER, Chronique de Saint Martial de Limoges,
Edition Duplès-Agier, p 102 - notes nécrologiques - La chronique dit
exactement : « ad cujus corpus
fiunt miracula » : des miracles ont lieu sur son corps.
13 Terme utilisé dès 1256
par le chapitre Général de l’Ordre des Dominicains ordonnant que dans chaque
couvent, le jour après la fête de Saint Jean Baptiste, on ajoute au
martyrologe : « En ce jour, dans le
Comté de Toulouse, mourut le noble comte Simon de Montfort, de sainte mémoire,
qui fut un zélé défenseur de la foi et un ami du bienheureux
Dominique ! ».Le Prieuré possédait en outre une relique rare cf : François DE LANNOY et Jacques
LABROT, La croisade albigeoise,
Bayeux, Editions Heimdal, Octobre 2002, p 64.
14 Le Prieuré possédait une
relique rare, d’importance majeure, dont seules les Saintes Chapelles,
sanctuaires royaux ou princiers pouvaient s’enorgueillir : des fragments
du bois de la Vraie Croix, ramenés de Palestine par Simon de Montfort lui-même
en 1204, que les pèlerins pouvaient venir adorer ouvertement et sans ambiguité
aucune : cf : François DELANNOY et Jacques LABROT, La Croisade
Albigeoise… Bayeux, Editions Heimdal, octobre 2002 …op. cit., p 41.
15 Pierre de VAUCERNAI, Historia Albigensis. op. cit., § 253,
277 et surtout § 554 : «... La
renommée de ta droiture et de ta foi s’est répandue sur presque toute la
terre… ». A ces prières perpétuelles de l’Eglise entière s’ajoutaient
celles du clergé croisé groupé sur une hauteur durant les combats (§§ 226, 351,
462, 526).
16 Pierre de VAUCERNAI, Historia Albigensis…, op. cit., §
431. Simon remettra trois fois en cause son propre statut pour le faire
confirmer par Dieu avant la bataille de Muret (§§ 450, 453, 454) … Du moins si
l’on suit la « mise en scène » orchestrée par le chroniqueur cistercien
dans son récit…
17 François DE LANNOY et
Jacques LABROT, La Croisade Albigeoise...,
op. cit., « L’osmose entre le Clergé
et Montfort », p 64.
18 On se reportera à ce
sujet aux Cahiers de Fanjeaux n°14 intitulé : « Historiographie du Catharisme » Privat 1979.
19 « L’on y voit son tombeau, vis à vis du grand
Autel, au milieu de la nef, élevé de trois pieds de terre, sur la lame duquel
deux vers en lettres gothiques s’y lisent qui le comparent aux plus grands
hommes de la terre. Aux deux côtez de la grille du cheur des Religieuses, l’on
y voit deux figures en relief :
l’une représente Simon Comte de Montfort, posant sa main sur l’écusson
de ses armes, qui étoient un lyon rampan, l’autre représente son fiz ayné dans
la même posture. Ce que i’ay voulu spéciallement remarquer, à cause que les
histoires ne font mention de ces dernières particularitez, & ie les ay veu
& appris sur le lieu même... ». Texte tiré de « La vie du glorieux patriarche S. Dominique fondateur et instituteur de
l’ordre des frères prêcheurs par Jean
de RECHAC », Paris 1647, pages 376, 377.
20 Auguste MOUTIE, Note sur les inscriptions du monument qui
renfermait le cœur de François 1er à Haute-Bruyère : «... Il ne
reste plus de ce célèbre prieuré que la
chapelle des Pères qui sert aujourd’hui de grange… » Bulletin
Monumental 1845.
21 Le 8 janvier 1215, le
concile tenu par le clergé du Midi réclama au Pape, Montfort, « Princeps
et Monarcha » pour chef et maître unique de tout le pays conquis,
c’est à dire comme souverain, vassal direct du Saint Siège. Cf : Jacques
LABROT : « Une principauté vassale du Saint Siège », dans La Croisade Albigeoise, Bayeux, ed Heimdal 2002, op. cit., p 58.
22 Pierre de VAUCERNAI, Historia Albigensis…, op.cit., §
103 : «... poussé par une
inspiration divine, il saisit le psautier… » et lit : «... Dieu a
ordonné à ses anges de te protéger dans toutes tes voies… ». Enfin, il
ne faut pas oublier le texte du Pape dans lequel le souverain Pontife lui-même
affirme à Simon : « Le Christ...
lui-même a reçu de Dieu le Père une
mission pour toi… » § 556, et lui promet un peu avant, la
couronne de Justice qu’il espère être déposée pour lui dans les cieux (§ 555).
23 Eloise MOZZANI, Le Livre des Superstitions, p 995.
Robert Laffont 1995. Et : Hans BIEDERMANN, Knaurs Lexikon der Symbole, traduction Francoise Périgaut, L.G.F.,
1996, p 365.
Il semble d’abord assimiler
son héros portant le lion sur ses armes à Judas
Maccabée, chef des Juifs, « rival du lion dans ses hauts faits, pareil au lionceau rugissant sur sa proie,
il fit la chasse aux mécréants qu’il dépistait.. » 1 Maccabées 3. 4-9 ; puis à Simon Maccabée,
qui possède le même prénom que Montfort.
25 « 1174, Don de Nicolas Buchelay…à l’église
Sainte Marie de Haute Bruyère... » André Nicolas Rabourdin, Le Prieuré royal... op. cit, p 42.
26 André Nicolas Rabourdin,
Le Prieuré royal… op. cit., règle des Frères, p 87.
27 Ce phénomène se rencontre
dans certains édifices, par exemple sur la porte romane de la cathédrale de
Reims où les restes d’un enfeu datant de 1210 ont été transférés sur un tympan au
XIIIeme siècle. Cf : Werner SAUERLANDER, la sculpture gothique en France, 1140 -1270, Flammarion, 1972, p
96.
28 « Lexique des
Symboles », édition Zodiaque, p 106.
29 Edouard URECH, Dictionnaire des symboles chrétiens,
Neuchatel, Delachaux et Niestlé, 1972.
30 Danielle Alexandre BIDON,
La Mort au Moyen-Age, Hachette 1998,
pp 62, 63, 93, 96.