Clerval

(12 / 12 / 2014)

 

1. Localisation (Franche Comté, 25 - Doubs)

 

Clerval (25340) (N 83) est une commune située à 35 km au Sud Ouest de Montbéliard. Sur la rive droite du Doubs, une hauteur domine Clerval, avec un dénivelé de 150 m par rapport à la vallée du Doubs : cette colline porte les ruines du château de Montfort. Un long chemin passe par le flanc gauche de la colline, après un petit pont (situé sous la voie ferrée), puis serpente en traversant une petite pinède, une prairie et une pente relativement praticable. Un autre chemin, plus court mais plus difficile, passe par le flanc droit de la colline.

 

* environs de Clerval extraite d'une carte du comté de Bourgogne (feuille Nord Est) de Jean Querret (Paris, gravée par J. Lattré, 1748) (source : BnF). La région (vue détaillée) comprend notamment les toponymes de Clerval (Clereval), Pompierre, Santoche, Branne, Roche et Montfort. Contrairement au cas de Treffort-Cuisiat (01 - Ain), l'auteur (mi-XVIIIème) indique Montfort comme étant un château. De même, si les plans représentés ici n'étaient pas de type conventionnel, mais correspondraient à des relevés exacts (ce qui semble cependant douteux), la carte donnerait une idée des proportions de l'emprise au sol du château relativement à celle de Clerval. D'autre part, la localisation du château est ici sur une hauteur située en face de la ville, de l'autre côté du Doubs (et non pas du même côté que Clerval) ;

 

* extrait de la « carte géographique de la principauté de Montbelliard, des seigneuries d'Héricourt, Blamont, Clémont & Chathelot, avec les terres de Grange, Clerval & Passavant, appartenantes à la sérénissime maison de Wurtemberg », par  J. Fr. Fallot, 1750 (source : BnF). Cette carte mentionne le Doubs (Le Doux), ainsi que les villages de l’Isle sur le Doubs (Lille), Lomont, Pompierre (Pompier), Roche, Santoche (Santouge). On y observe aussi la présence d’une « Abbaÿie des Rois ». Aucune mention de Montfort n’y est cependant faite ;

 

* vue de la colline (rive droite du Doubs) supportant les vestiges (photographie : Gérard Blanc) ;

 

* plan schématique de Clerval et de l'emplacement ;

 

* cartes postales anciennes : environs de Clerval (A, B) ;

 

* cartes postales anciennes : (a) Le Montfort et les bords du canal, (b) vues sur Montfort (source : Gérard Blanc).

 

2. Description

 

Deux endroits, situés sur la commune de Clerval, ont supporté un édifice fortifié.

 

2.1. Le château de Montfort

 

Les vestiges ne sont guère analysables. Ce qui reste du château médiéval (Gérard Blanc) est constitué de ruines s'étendant sur 1200 m2 au sommet d'un éperon rocheux. Sous la végétation et les éboulis, on peut deviner des remparts de 1,90 m d'épaisseur, des tours (dont un donjon) et des fossés.

 

* extrait d’une carte ancienne du comté de Montbéliard (1616), dressée par Schickhardt (architecte allemand), sur laquelle le toponyme est écrit « Monfor ». Cette carte indique, de façon symbolique, une construction au sommet de Montfort, mais on ignore si elle indique les vestiges du « château » ou le bâtiment de la ferme de Montfort qui pouvait déjà exister.

 

* plan de situation d’ensemble (carte d’Etat major, ante 1919) et plan schématique des vestiges du château (cadastre napoléonien, 1826) (source : Gérard Blanc). Le « Banc de la Roche rouge » désigne la falaise au bord de laquelle est construite le château.

 

2.2. La maison forte de Clerval, appelée « Vieux château »

 

Située sur la rive gauche du Doubs, à l’extrémité orientale de la ville, cette maison-forte est une construction datant en partie du XIVème, puis remaniée aux XVIème et XVIIIème, et enlaidie au XXème. Restaurée en 1987, elle est aujourd’hui destinée à des activités de service public ou associatives.

 

* le Vieux château (photographie de 1998) (source : Gérard Blanc).

 

3. Histoire

 

3.1. Montfort

 

Les trouvailles archéologiques prouvent l’occupation du sommet de la colline de Montfort depuis l’époque celtique. Durant la période romaine, une vaste et luxueuse villa est édifiée au pied de la colline. A l’époque mérovingienne, le site de Montfort, alors nommé « Ranustal », est habité par une famille dominante issue de l’immigration germanique. Un personnage nommé Hermanfried, né à Ranustal (circa 602) fondera un couvent dans le voisinage, et sera considéré comme saint (St Ermenfroi) après sa mort (670). De cette époque date la fortification du mont, qui deviendra Montfort.

 

Avant la création de la ville de Clerval, un village d'une dizaine de maisons en bois et torchis existait à proximité des ruines actuelles du château (dans la zone plate aujourd’hui occupée par une clairière et des fourrés).

 

Il n’est pas certain que les terres avoisinantes d’Anteuil, Branne (25340), Geney, Pompierre (sur Doubs), Roche (lès Clerval) et Santoche aient dépendu de la seigneurie de Montfort. En effet, il n’existe (à Clerval) aucun document d’archives relatif à cette seigneurie. Il est probable que, durant le Haut Moyen Age, le châtelain de Montfort ait exercé son pouvoir sur les territoires alentours. Comme souvent, les paysans du voisinage pouvaient trouver refuge au château de Montfort avec leurs biens, et des hommes étaient mobilisés pour en assurer la défense. De même, le logis seigneurial (donjon, tours et enceintes) était vraisemblablement construit en bois. Les premières murailles de pierres ne seront pas élevées avant le XIème.

 

Le site de Montfort fut abandonné dès la création de la ville fortifiée de Clerval (début XIIème). Un nouveau château fut bâti dans la ville, au bord de la rivière et Clerval devint le chef-lieu d’une importante seigneurie. Ayant perdu son intérêt stratégique, Montfort a dû commencer a tomber en ruines dès cette époque, même s’il était encore parfois figuré sur les cartes à des dates plus tardives.

 

Le sommet de Montfort appartint ensuite (XVIIème) à la ville de Clerval (non à son seigneur). La ville autorise alors un fermier à défricher le terrain et à bâtir une ferme à proximité des ruines du château. Cette ferme, ou « maison de Montfort », est indiquée sur les anciens plans (cf carte d’état-major supra).

Souvent foudroyée et incendiée, cette ferme a été rebâtie plusieurs fois. On distingue encore ses vestiges dans un bosquet, à côté d’un vieux puits.

 

3.2. Vieux château de Clerval

 

Ce site féodal est attesté au XIVème car le château relevait alors du comté (Franche Comté) (1332). Il appartint ensuite à la maison comtale de Montbéliard (de 1365 à 1793), puis fut détruit (1674) lors de la conquête française.

 

4. Héraldique et Notes

 

Aucun document d’archives ne fait mention des châtelains de Montfort, ni de l’étendue de leur seigneurie ou même de leurs armoiries.

 

En tant que suzerain, le comte de Montbéliard a émis divers actes de pouvoir concernant la région. Parmi ces comtes, Etienne de Montfaucon et Henri de Wurtemberg (XIVème-XVème).

 

Les armes représentées sur la carte de Fallot peuvent se lire : « écartelé, au 1 fuselé en bande (en barre) d'or et de sable (maison d'Urach) ; au 2 d'azur à la bannière d'argent chargée d'une aigle de sable (dignité de porte-bannière de l'Empire) ; au 3 de gueules à 2 brochets (?) d'or adossés en pal (Montbéliard) ; au 4 d'or à une tête de carnation, barbue d'or, coiffée de gueules et d'azur à l'habit de gueules. Brochant sur le tout : écu de Wurtemberg ».

 

« Les seigneurs, comtes, ducs, puis rois de Wurtemberg furent également (avec quelques interruptions) comtes de Montbéliard, de 1407 au rattachement de cette principauté à la France en 1793 » (source : Wikipedia).

 

Armes des Wurtemberg : « d'or, à trois demi ramures de cerf de sable posées en fasces ».

 

8. Toponymie

 

Ranustal (Montfort) est un toponyme qui n’a aucune relation avec Rantechaux (village situé à 50 km). Une erreur d’interprétation fut commise (XVIIème) par un copiste qui a traduit Ranustal par Rantechaux. Mais les historiens ultérieurs, et encore jusqu’à aujourd’hui (cf Nègre), ont propagé cette erreur dans les  publications d’histoire ou d’archéologie, faute de se référer au manuscrit original.

 

Ce manuscrit de la vie d’Ermenfroi, dans sa page relative à Ranustal (« villa », ou domaine de la famille d’Ermenfroi), indique bien « ranustal », ou « ranuscal, ou « rannstal » (les t étant identiques aux c, et les u aux n) et non pas Rantechaux, ni Rotenchal, Rantechaz ou Ramestal mentionnés par Nègre. Plus loin, le récit latin évoque la proximité du domaine de Ranustal avec les localités Centusca (Santoche), Ebriis (Hyèvre), Cusancia (Cusance) et avec la rivière du Doubs. Ceci corrobore l’identification de Ranustal avec Montfort, et non avec Rantechaux. A l’inverse, on note que la forme « Ranustal » n’apparait jamais dans les archives de Rantechaux.

 

Ranustal, ou Ranuscal, proviendrait finalement d’un nom propre germanique associé au suffixe « tal » (vallée) ou « cal » (hauteur dénudée). Le toponyme Montfort s’est substitué à Ranustal au cours du Haut Moyen Age (source : remarques redevables à Gérard Blanc).

 

9. Bibliographie

 

Académie de Besançon, « Mémoires et documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche Comté », tome 2, L. Sainte Agathe, imprimeur de l’Académie, Besançon, 1839

Page 530 : Concession de l’angal aux bourgeois de Clerval, par Etienne de Montfaucon, comte de Montbéliard ; sa confirmation et octroi des profits de la balance publique, faits aux mêmes, par Henri de Wurtemberg, comte de Montbéliard, en 1380 et 1478

 

Bibliothèque de Besançon, « Legendae sanctorum ... », manuscrit coté 815 G, folio CCCI (« Ermendi abbatis »), XVème

 

Blanc Gérard, « Correspondances », 1996, 1997 et 27 novembre 2012

Documents d’histoire, d’architecture et divers shémas ou plans

 

Charnage F.I. Dunod de -, « Histoire de l’église, ville et diocèse de Besançon », tome 1, Chez C.J. Daclin (imprimeur) et J.B. Charmet (marchand libraire), Besançon, 1750

 

Commune de Clerval, « Clerval et le canton », supplément au bulletin municipal de Clerval, numéro spécial, 1993-1004

Photographie du Vieux château et bref historique

 

Debry Jean Antoine Joseph (1760-1834), « Mémoire statistique du département du Doubs », Imprimerie impériale, Paris, An XII

En l’An II, Clerval contenait 166 maisons (soit 226 ménages et un population de 1 027 habitants). Le montant de l’impôt mobilier était de 943,32 F. et celui de l’impôt foncier de 4081,50 F. La superficie des bois communaux était de 483 h, et les revenus communaux s’élevaient à 2 415 F.

Page 42 : « les bourgs les plus intéressants du département du Doubs sont ceux de Clerval, de l’Isle, de Blamont, de Meiche et de Morteau »

 

Les deux Bourgognes, tome 6, Imprimerie de Mme veuve Brugnot, Dijon, 1838

Pages 216-262 : Considérations historiques sur les oeuvres de Dunod. Epoque franque. § 1. Mérovingiens (de 534 à 879). Page 238 : « Ici, la vie de St Ermenfroy, précieux monument du huitième siècle, nous présente un tableau important; le rideau qu'elle soulève nous laisse entrevoir les environs de Beaume les Dames : ses gorges profondes, ses hautes montagnes sont habitées, Balma, Centasca, Ebrii, Vincunt milites, Ranustal, localités nommées dans la légende, ont exercé la plume ingénieuse de Perreciot. Dans Vincunt milites, il croit reconnaître le château de aume ; dans Ranustal, celui de Montfort, placé sur une montagne escarpée, près de Clerval »

 

Nègre Ernest, « Toponymie générale de la France. Formations non romanes », Librairie Droz S.A., Genève, 1991, 1996

Confusion entre Ranustal (Montfort) et Rantechaux

 

Ecole Nationale des Chartes, « Répertoire archéologique du canton de Clerval »

Pages 7-8

 

Salch Charles Laurent, « Dictionnaire des châteaux et des fortifications du Moyen Age en France », Editions Publitotal, Strasbourg, 1979-1987

 

Torre Michel de la -, « Guide de l'art et de la nature (25 - Doubs) », Editions Nathan, 1985

 

Robert Ulysse (1845-1903), « Monographie du prieuré de Vaucluse, ordre de Saint Benoît (IXème-XIXème siècles) », extrait des Mémoires de la Société d’émulation de Montbéliard, imprimerie et lithographie Victor Barbier, Montbéliard, 1888

Cite (page 37) un Pierre de Montfort, prieur commendataire de Vaucluse (1487), témoin à un acte du 20 mars 1494. Il avait été élu (1492) abbé de St Vincent de Besançon par les religieux de cette abbaye, mais il ne résigna pas pour celà le prieuré de Vaucluse. Il fit bâtir le quartier abbatial de St Vincent et mourut en 1501.

 

Sites Internet

 

http://www.clerval.info/ (site de Mr Gérard Blanc)