Archamps

(17 / 09 / 2013)

 

1. Localisation (Rhône Alpes, 74 - Haute Savoie)

 

A Archamps (A 40 ou N 206) (altitude 535 m), commune située à une dizaine de km au Sud Ouest de Genève, se trouve les vestiges d'un château de Montfort. Le village possède aussi un « chemin de Montfort ». Celui-ci se continue vers le Sud Sud Est, en direction du mont Salève, en une « Route forestière » qui tourne à angle droit vers l’Est dès qu’elle pénètre dans la forêt, à environ 750 m d’altitude.

 

Les cartes anciennes de la région ne semblent pas faire allusion à un quelconque château du nom de Montfort (source : BnF, Gallica) :

 

* carte (partielle) de Giovanni Tomaso Borgonio (1620-1683) : « Carta generale di Sua Altezza reale » (1680). Seuls sont indiqués le mont Salève, St Julien, Ternier et le Coing ;

 

* carte (partielle) de Giacomo Cantelli da Vignola (1643-1695) : « La Savoia divisa nelle sua principali provincie » (1692), éditée par Domenico de Rossi, Roma ;

 

* carte (partielle) de Alexis Hubert Jaillot (1632-1712) : « Les états de Savoye & de Piémont, le Dauphiné, la Bresse, partie du Lionnois », montrant le Mont Salève, le Coing, St Julien (S Jullien) et Ternier ;

 

* carte (partielle) de Gilles Robert de Vaudondy (1688-1766) : « Duché de Savoie qui comprend le Chablais, le Fossigny |Faucigny] » (1751). Cette carte indique St Julien et Ternier (baillage), ainsi que le Coing ;

 

* carte (partielle) de César François Cassini de Thury (1714-1784), Calon de Felcourt Jean Pierre (1729-18..?) et Dupain-Triel (père) (graveur) (échelle 1 : 86 400, ou 1 ligne = 100 toises) : « Carte générale de la France. Genève - Gex (n° 148,. feuille 58) » (1761), montrant Archamps (Archamp), St Julien et Ternier. On observe aussi les toponymes Châtillon (Chatillon), le Châtelard (Chastelar) et  « la Place » : l’un de ces 3 lieux peut correspondre au château de Montfort.

 

Cependant,  ces cartes sont établies avec des échelles assez différentes, ce qui explique que le détail de leur description soit variable.

 

2. Description

 

Au Sud d'Archamps, les restes du château de Montfort dominent, à 872 m d'altitude, le hameau de Blécheins de la commune, hameau situé au Nord de l’extrémité Sud Ouest du mont Salève.

 

2.1. Un chemin rural, appelé « route forestière », situé sur la droite en prenant la route allant du hameau de Blécheins vers le Coin (à l'Est - Nord Est de Blécheins), conduit aux ruines (cf Hauert). L’accès s'effectue donc en partant du hameau de Blécheins, en contrebas, par cette route forestière perpendiculaire au mont Salève, puis en obliquant sur la droite, après la clairière « sur les Places ». On escalade ensuite, en direction du Sud, le promontoire qui domine Blécheins pour aboutir à un amas de pierres, assemblées avec ordre, mais ne suggèrant guère l'existence d'une structure fortifiée (plan de situation).

 

Une grande « tour » est visible au départ de ce chemin, mais elle est située au sommet du mont Salève : c'est un monument récent, bâti sur le « Grand Piton » : panorama.

 

2.2. Il ne reste guère beaucoup d'éléments du château, qui semble avoir plutôt été un simple bastion fortifié. Cependant, sa position était très forte, sur un éperon constitué de deux plates-formes, elles-mêmes inscrites dans une enceinte de plan quasi-triangulaire. Sur la première plate-forme, se trouvaient des logis entourant une cour intérieure. Sur l'autre plate-forme, sommitale, était posée une tour carrée, sorte de réduit défensif dont les restes révèlent les dimensions (7,00 m de côté) et la solidité (murs épais de 2,50 m environ). Cette tour dominait le chemin d'accès venant d'Archamps et en était isolée par des fossés taillés dans la roche.

 

* plans d'ensemble : dessin de Blondel, et essai d'élévation (inspirée de ce dessin) par l’auteur ;

 

* le site (photo de M. Baudrion, décembre 1995) et l'intérieur du donjon (Blondel, 1956) ;

 

* photographies récentes dûes à Michel Brand : A, B, C, D ;

 

* étude de B. Hauert, dans la liste : http://www.la-salevienne.org/memoires.php.

 

L'état des vestiges rend difficile leur datation. La famille de Montfort apparaît dans les textes vers la première moitié du XIIIème. Mais la forme de la tour, l'épaisseur de ses murs ainsi que la présence de fossés artificiels ne contredisent pas une hypothèse d'édification antérieure à cette époque.

 

Les ruines se trouvent au sommet d'un monticule boisé, au Nord Est de la ferme des Beulets. La carte d'état-major française indique leur emplacement d’un simple point. Celle du canton de Genève, dressée (1837-1838) par le général Dufour, les désigne du nom de Châtillon (cf carte de Thury). Les vestiges, en appareil formé de gros blocs, comportent une salle rectangulaire d'environ 25 m2. Trois divagations du terrain semblent signaler, en direction des Beulets, l'emplacement soit de dépendances, soit d'une entrée. En direction de Collonges, une sorte de talus pourrait représenter un reste de défense vers l'extérieur. Des éboulements semblent avoir eu lieu, et la partie visible des vestiges comporterait des soubassements : en effet, un escalier aurait existé, donnant accès à une salle inférieure (Friderich).

 

Le Regeste Genevois (dont l'index assimile Montfort à Arvillard) indiquait comme détruit le château de Montfort dépendant des comtes de Genevois. Dans les cartes d'état-major sardes, il est désigné, de façon erronée, sous le nom de château d'Arvillard : les ruines de ce dernier ont en effet appartenu à une famille d'Arvillard, de Chambéry. Mais (Friderich) la topographie des lieux montre que Arvillard est adossé à la montagne, tandis que Montfort couronne une éminence distincte.

 

Mugnier indique l'existence (1693), sous le mont du Salève, près de l'abbaye de Pomiers, de « vieilles masures d'un château du nom de Montfort que ceux de la maison de ce nom avaient autrefois bâti et auquel ils avaient donné ce nom ».

 

2.3. La maison forte du Villard (XIIIème) a pratiquement disparu : la base de l’une de ses tours est encore visible et sert d'appui à un mur de retenue de la cour d'une ferme qui fut, par la suite, reconstruite sur son emplacement. Cette maison forte aurait (Spon) été détruite pendant l'invasion bernoise (1590) ; ce fut aussi probablement le cas du château de Montfort.

 

3. Histoire

 

Au Moyen Age, Archamps possédait 4 seigneuries : Ogny, la Poëpe, Villard et Montfort. Divers ouvrages retracent l'existence d’une famille de Montfort dans la région (Blondel, Friderich). Les textes font état de seigneurs de Montfort dès le XIIIème. Selon Foras, ils formaient une branche de la famille de Ternier et en portaient les armes.

 

Cette maison de Montfort en Savoie connut une histoire assez brillante. Elle eut notamment la charge de la gonfalonnerie du comté de Genève (cf armes de Starkenburg, en Allemagne, et celles d’Auvergne). Le premier membre connu vivait en 1203 (?) et mourut avant 1230 (Foras). La branche aînée se transporta assez vite en Chablais et en Genevois. Elle s'éteignit après le mariage de la dernière héritière de Montfort avec François d'Allinges, qui accola le nom de sa femme au sien. Selon un inventaire (archives de Thuyset), ce dernier obtient (1543) de Jean de Chatillon (d'Évian) le rachat du château primitif de Montfort, situé sous le Salève, et des revenus au mandement de Ternier. Et il donna en abergement (1549) cent poses de terre, prés et paturages sur le Salève, autour du château de Montfort.

 

Pierre de Montfort, issu des Ternier, fut garant (1279) du comte de Genève. En effet, ce « castrum » est cité dans un traité (1293) conclus à Aix entre le comte de Savoie et le comte de Genève : on y mentionnait des prisonniers détenus à Montfort (écrit Mons Fortis).

 

Nicod de Montfort épousa (1308) Isabelle de Montfort, dont la dot fut constituée du « castrum de Mons Fortis ». Nicod en fit hommage (1338) au comte de Genève.

 

Hugonin de Montfort fit aveu (1423) « à cause du château de Ternier » au duc de Savoie : il reconnut détenir « en fief noble, ancien et paternel son châteaud de Mons Fortis avec ses clôtures, édifices et dépendances ».

 

Par voie de mariage, Jeannette de Compey, veuve de François de Menthon, en hérita, puis la propriété passa aux Allinges, qui portèrent alors les armes de Montfort et prirent le nom d'Allinges-Montfort. Au début du XVème, apparaissent, en effet, plusieurs co-seigneurs de ce château, dont les Menthonay et les Compey, enfin les Allinges, dont une branche prit ainsi le nom de Montfort.

 

Le château appartint (XVIème) à Pierre Gabriel Dufour, baron d'Archamps et de Villard. Plus tard (XVIIIème), Joseph Pantaléon de Bertrand, comte de la Pérouse, reçut l'investiture pour le « mas de Montfort » (masure alors en ruine ?).

 

L'armorial mentionne que Pierre Amé de Montfort constitua en dot (1665) à sa fille, Marie Charlotte, épouse de Joseph de Riddes, les biens parvenus dans sa famille (apport dû au mariage de Jordane, fille et héritière de N. Pierre de Chèdes) et situés sous la montagne du Salève. Ces biens auraient donc peut-être fait retour des Allinges-Montfort aux Montfort.

 

La position excentrée de l'édifice, ainsi que son exiguïté, justifiaient davantage une fonction de pavillon de chasse que de château (fortification ou, encore moins, habitation). Les Montfort possédaient plusieurs seigneuries mais portaient, en premier lieu, le titre de « seigneurs de Montfort aux Baillages » (il s'agit des baillages de Ternier et Gaillard). Ceci peut suggérer que les ruines correspondent à la construction d'origine, bientôt abandonnée puis recouvrée à nouveau. L'époque de sa construction est assez ancienne : si Aymon Ier est allé depuis Montfort vers la Savoie, cette date serait antérieure au XIIIème ; si lui-même ou ses enfants ont édifié le château, ce serait le XIVème.

 

Beaucoup d'inconnues subsistent : possesseurs successifs du fort, date de sa destruction (nulle part mentionnée, mais semblant imputable aux Genevois). Etienne François Pissard, juge de paix du canton de Viry, aurait acquis en Thermidor An IV (juillet 1796) des biens vendus comme biens nationaux, dont ceux de « l'émigré François Dufour, baron de Villard, Archamps, Montfort et Vallerieux » (Duval).

 

Le château était en ruines en 1547 (fin XVIème, selon Foras).

 

4. Héraldique et généalogie

 

Les armes d'une des 4 seigneuries (maison de Montfort) située sur Archamps figurent dans l’armorial de Foras. Elles se lisent « d'or à trois pals d'azur », ou aussi « d'azur à trois pals d'or » (Besson), ou encore « pallé d'or et d'azur » (ces représentations diffèrent donc entre elles). Son cimier représente (Guichenon, manuscrit de Turin) « un jeune enfant tenant une épée nue de sa main droite » et ses tenants sont « deux sauvages de carnation ». L'ancienne devise était « il me fault tenir ». André de Montfort, gouverneur de Nice, l'aurait changée en « me fault tenir mon fort » (cf 06 - Nice).

 

Les armes de la commune d’Archamps (adoptées en 1989) figuraient sur le fronton de la cure : « de gueules à trois feuilles de houx d'or en pal, posées 2 sur 1 ». Aux archives départementales, une microfiche représente un croquis de l'écu (semblant provenir d'un répertoire privé), surmonté du nom de Berchat (le cordon entourant le blason indique qu’il était ecclésiastique). Les couleurs, champ de gueules et feuilles de houx d'or, sont fictives. On peut notamment voir ces armes communales sur un panneau de la route forestière.

 

7. Héraldique et généalogie (Morena)

 

7.1. De Compey (Savoie)

 

10945. Armes : « d’azur à la croix d’or ». Devise : « A.V.F. ».

 

7.2.  De Montfort (Savoie)

 

24321. Armes : « d'or à 3 pals d'azur » (Foras 4).

 

7.3. De Montfort (Savoie. Baron de l'empire (1813). Baron héréditaire (1816)

 

24322. Armes : « écartelé: aux 1 et 4 d'azur à la tour d'argent crénelée de 4 pièces, ouverte, ajourée et maçonnée de sable soutenue d'un rocher de sinople, aux 2 et 3 d'or à 3 pals d'azur » (Révérend Empire 3 et Restauration 5).

 

7.4. De Ternier (Savoie. Maison d’ancienne chevalerie, éteinte à la fin du XIVème)

 

32547. Armes : « d’or à 3 pals d’azur » (Foras, Archives de Savoie).

 

9. Bibliographie

 

Archives du château de Thuyset, « Inventaire »

Ce château, situé près de Thonon, appartenait au comte Amédée de Foras, généalogiste, spécialiste des familles de Savoie

 

Barbero Dominique, « Paroisses et communes de France. 74, Haute Savoie » (démographie historique), Editions du CNRS, Paris, 1980

 

Baudrion Maurice, Correspondance du 13 janvier 1997

 

Blondel Louis, « Châteaux de l'ancien diocèse de Genève », in Mémoires et documents publiés par la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève, tome 7, Alexandre Jullien Libraire, Genève, 1956

Fils d'un avocat et de la marquise de Musso, Louis Blondel (Genève 1885 -  Genève, 1967) étudia l'architecture à l'Ecole polytechnique de Munich. Ses travaux portent ensuite sur le cadastre historique (« Les faubourgs de Genève », 1919) ; il participe (1914) à l'Exposition nationale, collabore au Dictionnaire historique et biographique de la Suisse. Il remplit les fonctions d’archéologue cantonal genevois (1923 - 1963), dirigea notamment les fouilles de l’abbaye de St Maurice d’Agaune, et tint (1944 - 1963) la chronique archéologique de « Genava ». Spécialiste de l'archéologie militaire médiévale, il devint (1931) membre de la Commission fédérale des monuments historiques, puis (1942) président de la Société d'histoire de l'art en Suisse. Le diocèse de Genève occupait tout ou partie des départements actuels de l’Ain, de Savoie et de Haute Savoie.

 

Duval César, « Ternier et Saint Julien. Essai historique sur les anciens bailliages de Ternier et Gaillard et le district révolutionnaire de Carouge », Bibliothèque publique et universitaire de Genève, Imprimerie de J. G. Fick, 1899

 

Foras Amédée  de - (comte -), « Armorial et nobiliaire de Savoie », 5 volumes (ouvrage continué par le comte de Mareschal de Luciane, puis par le baron Bouvier d’Yvoire), Grenoble, 1862 - 1939

 

Friderich Henri, « Châteaux et monastères de la région du Salève », Editions de la Tribune de Genève, Librairie Alexandre Jullien, Genève, 1935

 

Hauert Bernard, « Le château de Montfort, commune d’Archamps - Haute Savoie », mémoire de la Salévienne, août-octobre 2012

Etude descriptive et de synthèse

 

Mugnier François, « Généalogies de la famille de Montfort en Genevois et en Franche Comté, et de la famille de Conzié, avec documents publiés et annotés », Champion, Paris, 1893

Mugnier François. D'une ancienne famille locale, né à Rumilly en 1832, docteur en droit, fut conseiller doyen à la cour d'appel de Chambéry, où il mourut en 1904. Il fut aussi président de la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, membre de nombreuses sociétés savantes, et l'un des plus féconds historiens savoyards. Près de 40 volumes de la société qu'il présidait furent pour la plupart écrits par sa plume. On lui doit de nombreux travaux sur Rumilly.

 

Regat Christian et Aubert François, « Châteaux de Haute Savoie : Chablais, Faucigny, Genevois », Collection Sites et villages, Editions Cabédita, 1999

Cf notamment pages 30,  37,  89,  121,  151,  153,  180

 

Regeste genevois (Archives départementales de la Haute Savoie, à Annecy), année xxxx

 

Société savoyarde d'histoire et d'archéologie, « Mémoire et documents », Imprimerie Ménard, Chambéry, 1893

Notamment tome XXXII (pages 243 et suivantes)

 

Spon Jacob, « Histoire de Genève », Chez J. Fabri & J. Barrillot, 1730

 

Torre Michel de la -, « Villes et villages de France (74 - Haute Savoie) », Les Editions Deslogis-Lacoste, 1992

 

Sites Internet

 

http://www.la-salevienne.org/ (société d'histoire régionale), notamment http://www.la-salevienne.org/memoires.php (étude de Bernard Hauer)

 

http://www.sabaudia.org/ (archives départementales de Savoie)

 

http://www.shag-geneve.ch/accueil.htm (société d’histoire et d’archéologie de Genève)