Compléments

(29 / 03 / 2012)

 

3. Histoire

 

3.1. Période Normande

 

Après le départ des Romains, Leicester (« Ratae Coritanorum ») connut une période de déclin. Quand les Saxons vinrent s'y établir (fin VIème), les anciens camps romains servirent de base à des édifices peu durables. La ville fut le siège (680 à 869) d'un évêché, celui de la Mercie de l'Est. Leicester passait, en effet, pour être la résidence du légendaire roi de Mercie, Lear, et de ses filles.

 

Après la conquête par les Normands, un château fut construit par Hugues de Grandmesnil, premier seigneur de Leicester. Selon Napier Reeve, le château féodal aurait été reconstruit (circa 1107) par Robert de Beaumont. Le quatrième comte de Leicester, Robert FitzParnel, mourut (1204) sans postérité. Sa soeur, Amicie, était la mère de Simon IV de Montfort l'Amaury, qui prit alors le titre de comte. Une chronique raconte que, lorsque le Dauphin Louis envahit l'Angleterre (1212), Simon IV retourna avec lui et combattit contre le roi Jean : mais il était alors certainement en albigeois !

 

Simon V de Montfort (Montfort ? Rochefort ? Albigeois ?, circa 1208 - Evesham, 1265), troisième fils de Simon IV, hérita du comté de Leicester que Jean sans Terre avait confisqué à son père, fidèle de Philippe Auguste. Il s'établit ainsi (1229) en Angleterre, se lia intimement avec Henri III (portrait d'après Cassell) (1216-1272), et épousa (1238) Eléonore (Eléanor), la plus jeune soeur d'Henri III, ce qui avait indigné les Anglais.

 

Comte de Leicester (1229 à 1265), il fit beaucoup pour développer sa ville. Celle-ci devint l'une des plus importantes du royaume. Sa position le faisait cotoyer l'empereur d'Allemagne et le roi d'Ecosse, ce qui augmentait sa renommée.

 

Armes de Simon V d'après un rôle d'Etat (1350). Par rapport aux armes de Montfort l'Amaury, on remarquera la différence des couleurs et émaux (« écu de gueules au lion de sable » ?), ainsi que la fourche de la queue tournée vers l'intérieur (dos du lion) au lieu de l'extérieur. On remarque aussi que, sur ce rôle, les armes de Simon V coexistent avec un autre écu au lion fourchu.

 

Ces 2 beaux frères en vinrent à se quereller. La jalousie d'Henri obligea Simon V à traverser la mer, avec Eléanor, pour éviter son courroux (1239). Simon partit en croisade (1240). Plus tard, cependant, réconcilié, Henri III le nomma (1248) gouverneur d'Aquitaine pour y remettre de l'ordre. Simon s'exécuta avec tant d'autorité que des gascons vinrent se plaindre à la cour d'Angleterre. Henri III rappela Simon (1252) et ce fut Edouard, fils d'Henry III et neveu de Simon, qui le remplaça (1258). Simon revint, indigné, en Angleterre. Une dispute (dessin d'après Cassell) s'ensuivit, où Henry qualifia Simon de « traître ».

 

Ami du grand évêque et théologien Robert Grosseteste, très pieux lui-même, transmettant son enthousiasme, le comte de Leicester devint alors l'âme de l'opposition aristocratique et fut rapidement chef d'un mouvement « réformiste ». Il participa à l'élaboration des « provisions d'Oxford », plan de réforme et de contrôle du pouvoir royal par un conseil de barons. La Grande Charte (1215), bien que confirmée 7 fois, n'avait pas été observée par Henri III, et son impopularité avait lentement grandi pendant 30 ans. Un Grand Conseil se réunit à Oxford (juin 1258) et lui imposa des « provisions » ou « statuts d'Oxford », qui confiaient le gouvernement du royaume à un comité de réformes.

 

Les barons devant Henri III (dessin d'après Cassell). On peut remarquer les armes (au lion à la queue fourchée) de Simon V, ici représenté de dos.

 

Henry jura d'accepter mais se fit délier de ce serment par le pape. Les 2 parties acceptèrent l'arbitrage de Louis IX, roi de France, dont le prestige européen était grand. Henry et son fils Edouard allèrent eux-mêmes défendre leur cause à la conférence d'Amiens. St Louis leur donna raison et prononça l'annulation des Provisions d'Oxford, tout en confirmant la Grande Charte ... (« dit d'Amiens »).

 

Jugement de Saint Louis à Amiens (Henri III à gauche, les barons « anglais » à droite) (salle des croisades du Palais de Versailles). Le premier des seigneurs situés à droite pourrait être Simon V (mais, comme son père, il n'avait très probablement pas de barbe).

 

Après Amiens, l'opposition se divisa. Beaucoup de nobles cédèrent : les barons les plus conservateurs acceptèrent ce dit d'Amiens et suivirent Edouard. Mais une partie plus jeune et plus hardie souligna la contradiction du dit, et prit pour chef Simon de Montfort. Ce dernier, qui avait alors acquis une grande popularité, parvint à rallier cette partie, les bourgeois de Londres, les étudiants d'Oxford et les archers gallois.

 

Cependant, la rigidité de Simon et les manoeuvres du prince Edouard, futur roi Edouard Ier, finirent par brouiller le premier avec certains barons. Henri III en profita pour revenir sur ses concessions, ce qui provoqua une nouvelle réaction de Simon. Appuyé par divers barons, dont les comtes de Gloucester et de Norfolk, il réunit (1258) un Parlement à Westminster, fut nommé chef du Conseil d'Etat suprême et prit l'offensive (1263). Le roi Henri et son fils, le prince Edouard, vinrent (1264) au château de Leicester, mais la science militaire et les dons de stratèges de Simon lui permirent de remporter (mai 1264), avec ses 4 fils, à Lewes une victoire éclatante sur les troupes royales : le roi et son fils furent faits prisonniers.

 

Montfort fit alors la preuve de son sens de l'organisation. Chef du gouvernement, il exerça une autorité entière, et créa un Comité de 9 membres, nommés par 3 Electeurs, lesquels pouvaient être destitués par le Grand Conseil. Il convoqua ensuite le célèbre Parlement de 1265 : pour ce faire, il manda aux shérifs du royaume l'envoi de 2 chevaliers et de 2 bourgeois, au rôle cependant purement consultatif, de chaque cité ou bourg. Cette réunion est souvent considérée comme la tenue du premier Parlement d'Angleterre.

 

Divers barons, jalousant la puissance de Simon, finirent par se regrouper autour d'Edouard. D’autre part, pour endiguer l'opposition des seigneurs des Marches de l'Ouest et du Nord, Simon dût s'allier au roi gallois Llewelyn, s'aliénant, de ce fait, une partie de la noblesse anglaise.

 

Aussi le parti royaliste reprit-il l'avantage. Edouard réussit à s'enfuir, rallia les barons des Marches et attaqua Montfort à Evesham (1265), appliquant d'ailleurs les leçons de tactique reçues de lui. Montfort, n'ayant plus avec lui qu'un petit nombre de fidèles, admira en technicien la manoeuvre qui le perdait : « Par Saint Jacques ! aurait-il dit, ils viennent en bon ordre. C'est de moi qu'ils ont appris ce tour. Recommandons nos âmes à Dieu, car nos corps sont à eux... » Il fut tué, sa tête décapitée et son corps mutilé. Edouard permit cependant aux moines Franciscains de l'inhumer.

 

Le comté de Leicester tomba ensuite en déchéance - situation réservée aux « traitres » - mais, pendant longtemps, les reliques de Simon furent vénérées par le peuple comme celles d'un saint. Avec lui, disparaissait le dernier des français, champion des libertés anglaises, qui contribuèrent à faire l'Angleterre.

 

Ce fut aussi le dernier comte normand de Leicester, mais sa mémoire dura longtemps, car le peuple lui faisait confiance et le clergé l'appréciait comme protecteur des faibles : il le nommait « Simon le loyal », tandis que le peuple l'appelait « Simon le roi » (Maurois).

 

Sous les Lancastre, qui donnèrent des rois d'Angleterre, le château de Leicester servait parfois de résidence royale. Henri donna le comté à son fils Edmond, comte de Lancastre. Cependant, les fils de Simon V de Montfort résistèrent (1267). Un Parlement fut appelé et rétablit les anciennes « bonnes » lois de Simon et la paix. Les fils survivants de Simon et leur mère quittèrent l'Angleterre (1270). Par la suite, ils tuèrent à Viterbe (1271) Henri d'Allemagne, fils du roi des Romains, qui avait été l'ennemi de leur père et avait contribué à sa défaite (cf Monteforte Irpino, en Italie).

 

Plus tard, des barons anglais purent bénéficier de certains privilèges. Ainsi, Jean de Gand épousa l'héritière de Lancastre, première maison ducale, et posséda 10 châteaux fortifiés, dont le célèbre Kenilworth, arraché à la famille de Montfort.

 

3.2. Kenilworth castle, une des plus importantes forteresses d'Angleterre, fut construit par Geoffroy de Clinton, lord trésorier d'Angleterre, qui le reçut (circa 1122) en fief du roi Henry Ier. Les défenses du premier château, probablement en terre et palissades, furent renforcées avec la construction d'un donjon (1150 - 1175). Pour mieux surveiller le comte de Warwick, Henry II en devint propriétaire, puis Henry III l'attribua (1248) à son beau-frère, Simon V de Montfort. Après la mort de Simon V, le château, défendu par l'un de ses fils, soutint (1266) un siège de 9 mois établi par Henry III. Finalement vainqueur, ce dernier l'accorda à son second fils, Edmond. Edouard II y fut contraint d'abdiquer (1327). Jean de Gand, quatrième fils d'Edouard III, en devint propriétaire (fin XIVème) et il fit ériger un somptueux palais à proximité du donjon. Plus tard, après divers avatars, la château fut démantelé (1649) par les forces parlementaires. Il continua cependant à être habité.

 

3.3. Liste des seigneurs de Leicester

 

* comtes saxons : Léofric (époux de dame Godiva), puis Algar, Edwin (tué en 1068).

 

* comtes normands : Hugo de Grantmesnel (Grandmesnil), puis Robert de Beaumont (1107), Robert le Bossu (1118), Robert (aux) Blanches Mains (1169), Robert FitzParnel (1190), Simon IV de Montfort (par alliance avec la comtesse Amicie) (1204), Simon V de Montfort (tué à Evesham en 1265).

 

* comtes de la maison de Lancastre : Edmond, comte de Lancastre (1265), Thomas, comte de Lancastre (1299, décapité en 1322), Henri, comte de Lancastre (1322), Henri, duc de Lancastre (1345), Guillaume, duc de Bavière (par alliance avec Dame Maud) (1361), Jean de Gand, duc de Lancastre (par alliance avec Dame Blanche) (1377), Henri de Bolingbroke puis Henri IV, roi d'Angleterre (1399).

 

4. Héraldique, sigillographie et généalogie

 

4.1. Sceau de Simon V de Montfort (sceau rond de type équestre de 75 mm : « le comte à cheval, en costume de chasseur, sonnant de la trompe »).

 

Ce sceau est souvent attribué à son père (sceau de 1211), Simon IV (cf Montfort l'Amaury, 78 - Yvelines). Les sceaux des archives anglaises sont, en effet, assez semblables à ceux des archives françaises.

 

Il est fort probable que le Simon V ait repris, comme comte de Leicester, le sceau de la lignée, dans la mesure où il reçut de Henri III le fief (comté) que Jean sans Terre avait confisqué (1204) à son père : dans les chroniques, Simon IV était qualifié du titre de comte (certainement pour la terre de Leicester et non pour celle de Montfort).

 

D'autre part, les armes décrites dans les documents anglais révèlent un lion à queue fourchue tournée vers son dos, et non vers l'extérieur comme dans les documents français (brisure ?).

 

Le cri de guerre des comtes de Leicester était constitué d'onomatopées : « Crom a boo ! » (Haucourt et Durivault).

 

4.2. Grand sceau de Henri III.

 

4.3. Armes de Leicester actuelles : « de gueules à trois quintefeuilles d'argent posées 2 sur 1 ».

 

4.4. Une médaille (56 mm) commémorative du 700ème anniversaire de sa mort a été émise (1965). Sa face représente le sceau ci-dessus. Son avers représente un lion à queue fourchue, suivi de la mention 700th anniversary of the Parliament of Simon de Montfort, 1265.

 

4.5. Enfin, une enveloppe revêtue d'une représentation du sceau précédent a aussi été émise, à cette occasion, par la Poste britannique.

 

8. Autres informations

 

Le Centre d'information touristique de Leicester a édité (août 1998) une cassette video sur l'histoire de Leicester (« A history of Leicester »).

 

9. Bibliographie

 

Alighieri Dante, « La divina commedia », traduit et édité par AntonMaria Robiola (3 tomes : l’enfer, le purgatoire, le paradis), Presso Giuseppe Pomba, Torino, 1830

Très souvent publié, l’ouvrage décrit notamment l’Enfer. Dans le manuscrit original, cette première partie contient une illustration de Guy de Montfort, assassin de Henri d’Allemagne (information dûe à Jacques Labrot, CNRJMMA)

 

Anonyme, « History of England » (8 volumes), London, Cassell & Co, 1902-1910

I. From the roman invasion to the Wars of the Roses

II From the Wars of the roses to the Great rebellion

III. From the Great rebellion to the fall of Malborough

IV. From the fall of Marlborough to the Peninsular war

V. From the Peninsular war to the death of sir Robert Peel

VI. From the death of sir Robert Peel to the illness of the prince of Wales

VII. From the illness of the prince of Wales to the British occupation of Egypt

VIII. From the British occupation of Egypt to the opening of Parliament (1895)

 

Bémont Charles, « Simon de Montfort, comte de Leicester, sa vie, son rôle politique en France et en Angleterre », Paris, 1884

 

Bureau de tourisme de Leicester, « documents d'informations diverses »

 

Chinnery G.A., « Leicester castle and the Newarke », Leicestershire Museums Publications, n° 19, 1981

Chinnery G.A. : keeper of archives in Leicester City Museums

 

Fleury Jules Augustin (1812-1887), « Histoire d'Angleterre, comprenant celle de l'Ecosse, de l'Irlande et des possessions anglaises », Hachette, 1879

 

Genet Jean Philippe, « Simon de Montfort : baron ou homme politique ? », Médiévales, volume 17, n° 34, 1998

Pages 53-68

 

Haucourt Geneviève d'- et Durivault Georges, « Le blason », Collection Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 1982

 

Labarge Margaret Wade, « Simon de Montfort », The MacMillan Company of Canada Limited, Toronto, Canada, 1962

 

Lincy le Roux de -, « Recueil de chants historiques français depuis le XIIème jusqu’au XVIIIème siècle. Première série (XIIème-XVème) », Librairie de Charles Gosselin, Paris, 1841

Tome 1, page 195, mention des miracles survenus sur le tombeau de Simon V, d’un cantique figurant dans un manuscrit du Musée britannique à Londres (mss Cotton-Vespas, A VI) :

« Salve, Symon Montis fortis,

Totius flos militiae,

Duras poenas passus mortis,

Protector gentis Angliae »

ainsi que d’un autre manuscrit de ce même Musée (et publié par Francis Palgrave en 1818) (extraits):

4. « Et sire Jon d’Ayvile,

Que oncques ni aima treyson ne gile,

Fu en lur companie,

Et sire Peres de Montfort

Si tint bien à lur acord,

Si ont grant seignurie »

6. (fine) « Pur ce revenk al quens Simon, [C’est pourquoi je reviens au comte Simon]

Pur dire interpretison, [Pour expliquer]

Coment hom le nomme » [Comment on le nomme]

7. « Il est appelé de Monfort : [Il est appelé de Montfort]

Il est el mond et si est fort, [Car il est au monde et il est fort]

Si ad grant chevalerie ; [Il a une grande chevalerie]

Ce voir, et je m’acort, [On n’en peut douter]

Il eime dreit et het le tort, [Il aime la droiture et hait l’injustice]

Si avera la mestrie. [Il doit commander à tous]

8. « El mond est veréement ; [Il est bien placé dans le monde]

Là où la comun à ly consent, [et le peuple de notre bonne terre]

De la terre loée [obéit à sa voix]

C’est ly quens de Leycestre, [C’est le comte de Leicester]

Que baut et joius se puet estre [qui doit être fier et joyeux]

De cele renomée » [de cette renommée].

Enfin, l’auteur reprend les « Political songs » de Wright (page 125) (extrait) :

« Ore est occis [Elle n’est plus]

La flur de pris [La fleur de valeur]

Que taunt savoit de guere [Si habile à la guerre]

Ly quens de Monfort ; [Le comte de Montfort]

Sa dure mort [Sa mort terrible]

Molt en plorra la terre. [Le monde entier doit la pleurer]

Etc »

 

Madicott John Robert, « Simon de Montfort », The Press syndicate of the University of Cambridge (CB2 IRP, Royaume Uni) New York, USA, Melbourne (Australia), 1994 (reprint 1995)

 

Maurois André, « Histoire d'Angleterre », A. Fayard et Cie Editeurs, Paris, 1937

 

Napier Reeve William, « Chronicles of the castle & of the earls of Leycester, from the fondation of the castle to the merger of the earldom in the Crown of England », printed by Crossley & Clarke, Leycester, 1867

 

Reynald H., « Simon de Montfort, un des fondateurs de la constitution anglaise », in Revue Britannique, n° II, 1883

 

Pauli Reinhold, « Simon von Montfort, graf von Leicester. Der schöpfer, des hauses, der gemeinen », Verlag der Laupp’schen buchhandlung, Tübingen, 20 février 1867

L’un des premiers biographes-historiographes systématiques de Simon V (remarquer le lieu de publication : cf Vorarlberg)