Annexe 00. Quelques indications sur la trompette (ou cornaline)
J.A. Monfort
(18 / 01 / 2018)
1. Le son et son analyse
Un son peut s’interpréter comme un signal qui suit une chaîne comportant 3 étapes : un émetteur (du signal), un canal de propagation (du signal initial) et un récepteur (du signal résultant). Une « distorsion » du signal peut survenir entre l’émission et la réception.
1.1. Origine et
« génération » d’un son
Un son quelconque résulte d’une suite d’ondes de choc répétées (appelée vibration) qui est propulsée dans un milieu (gazeux, liquide ou même solide).
La vibration est provoquée par un objet matériel appelé « excitateur » (anche vibrante, lèvres, claquement de doigts, peau entre 2 phalanges conjointes, etc). Le milieu est généralement entouré d’une paroi matérielle appelée « résonateur », laquelle vibre, oriente et contribue à amplifier le son.
1.1.1. Aspects physiologiques du son
En musique, le milieu considéré est l’air, constitué d’atomes et de molécules diverses.
Le son perçu par l’oreille (humaine ou autre) provient de la mise (ou entrée) en vibration du tympan. L’oreille comporte trois principaux constituants : oreille externe (pavillon auriculaire et tympan), oreille moyenne (osselets et fenêtres) et oreille interne (cochlée : corps ciliés, nerf auditif). C’est le nerf auditif qui transmet la vibration (transformée en ondes électriques) jusqu’au cerveau. Par éducation et apprentissage progressif, ce dernier devient alors capable d’interpréter la majorité des sons perceptibles.
1.1.2. Intensité acoustique
Un son projeté dans l’espace imprime à un fluide environnant (l’air) des surpressions qui se propagent donc en 3 dimensions. Sont ainsi en présence une notion d’énergie et une notion d’espace (surface, volume). L’intensité acoustique d’un son est définie par le rapport I = P / S, où P désigne la puissance acoustique du son (exprimé en Watt, ou W) et S la surface (exprimée eg en m2). Par suite I est mesurée en W / m2 ou W . m-2.
Le seuil d’audibilité (humaine) généralement reconnu est I0 = 10-12 (W . m-2), tandis que le seuil de douleur physiologique vaut Id = 10-2 (W . m-2).
Le niveau d’intensité acoustique a alors été défini à partir de I, et par référence à la valeur de base I0 , selon une échelle non linéaire, soit : NI = 10 . log (I / I0) (logarithme décimal), exprimée en déciBels (ou dB), avec NI0 = 0. Ainsi, à titre d’exemple, lorsque l’intensité I double, le niveau NI augmente de 3 dB (N2 . I = NI + 3).
1.2. Caractéristiques des sons
musicaux
Un son musical S se caractérise usuellement par :
(a) sa durée D : cette période de temps (ou unité de durée) s’exprime souvent en nombre de secondes (notées s) ;
(b) son « enveloppe » E : il s’agit de la période de temps qui s’étend depuis l’ « émission » (ou « attaque ») du son (fréquence positive) jusqu’à son « extinction » (fréquence nulle), en passant par une phase de « propagation » (ou d’ « entretien », ou de « maintien »). Un son, en particulier un son musical, est donc rarement homogène entre ces trois phases ;
(c) sa hauteur H : elle résulte du nombre de battements des molécules d’air par période, ce qui définit la fréquence. Celle-ci s’exprime généralement en Hertz (noté Hz) ;
(d) son volume V : l’intensité sonore, ou dynamique sonore, n’est autre que le niveau d’intensité acoustique NI précédent, exprimé en nombre de décibels (dB) ;
(e) son timbre T : le type d’excitateur (mécanique : baguette, anche en roseau, etc ; ou physiologique : cordes vocales, lèvres, etc), la morphologie et le matériau du résonateur (peaux, cordes, tubes, métaux, bois, etc) impriment à un son sa spécificité.
On le notera à l’aide d’un quintuplet (D, E, H, V, T).
En procédant par « réduction », deux sons S1 = (D1 , E1 , H1 , V1 , T1) et S2 = (D2 , E2 , H2 , V2 , T2) de même durée (D1 = D2), même enveloppe (E1 = E2), même hauteur (H1 = H2) et même intensité (V1 = V2), se différencient par leur timbre (T1 ¹ T2).
Ainsi, selon qu’elle est produite par un instrument à anche (matérielle ou lippale), par un instrument à cordes frottées ou par un instrument à cordes frappées, une « même » note (eg A2) possède une courbe de fréquence totale (son émis) différente. Ceci s’explique par la différence des spectres acoustiques des divers instruments.
[Nota. Il est souvent
affirmé qu’une trompette ne résonne pas. Or, cet instrument, depuis
l’embouchure jusqu’au pavillon (ou à la sourdine), est principalement un
résonateur. Le fait d’en jouer fait d’ailleurs aussi ressentir les vibrations
du tuyau]
1.3. Spectre sonore
Un spectre, ou profil acoustique, associé à un son peut se représenter graphiquement en croisant la fréquence et l’amplitude de ce son.
Un son « pur » de fréquence F0 donnée admet un spectre comportant un seul « pic », positionné en F0 . C’est approximativement le cas d’un diapason, qui émet un La.
Par différence, un son périodique quelconque de même fréquence F0 admet un spectre comportant plusieurs pics, positionnés en F0 , et aussi en ses harmoniques F1 , F2 , etc.
Le nombre ainsi que l’amplitude des harmoniques d’un son périodique caractérisent le timbre du son considéré (cf § 1.3. ci-après)]
La figure suivante représente les profils acoustiques de quelques instruments usuels : dans l’ordre : flûte, trompette, harpe, piano, voix (soprano) et violon. On y observe notamment les différences entre enveloppes.
1.3. Décomposition d’un son
On montre, en acoustique, qu’un son peut être décomposé en divers sons élémentaires. En effet, tout phénomène périodique peut être décomposé en une série de fréquences (ou série de Fourier) (cf densité spectrale, transformation de FOURIER) : une telle série se compose d'une fréquence fondamentale (ou fréquence de base) et de diverses autres fréquences.
On appelle partiel l’une quelconque des composantes (ou fréquences) simples qui contribuent à un son.
Certaines composantes sont des multiples entiers de la fréquence fondamentale. Elles sont appelées harmoniques. Un harmonique est donc un partiel particulier.
L'ensemble des partiels (harmoniques ou non
harmoniques) caractérise le timbre d'un instrument de musique. Selon la répartition des harmoniques, on obtient des sons complexes
de « hauteur » identique mais de « timbre » différent.
La forme de la vibration est donc typique du
timbre perçu par l’oreille. La perception
auditive diffère donc pour une même note jouée avec des instruments différents.
1.4. Tuyaux sonores (rudiments
d’acoustique)
On adopte les notations suivantes :
L = longueur d’un tuyau sonore ;
C = célérité de l’air (environ
F = fréquence de l'onde sonore, d’où T = 1 / F période de l'onde ;
L = C / F = C . T = longueur d'onde ;
W = 2 . p . F = pulsation d'onde, et K = 2 . p / L = vecteur d'onde.
Un tuyau sonore doté d’un excitateur (embouchure, pour la trompette), et ouvert à ses deux extrémités, ne vibre que si L = n . L / 2. Il ne peut donc vibrer que pour les fréquences F = n . C / (2 . L), notées Fn . Par suite, n = 1 correspond à F1 = C / (2 . L) (fréquence fondamentale), et les Fn = n . F1 (pour n > 1) (fréquences harmoniques de F1).
En considérant son spectre sonore en entier, un son peut se décomposer en divers « partiels ».
1.4.1. Parmi ceux-ci, on appelle « harmonique » un son strictement périodique, dont la composante spectrale est une multiple entier de la fréquence fondamentale.
On note souvent F0 la note « fondamentale » (identique, par définition, au premier harmonique F1), puis F2 = 2 . F0 le second harmonique, etc.
La fréquence fondamentale F0 est également appelée premier partiel.
Un tuyau sonore émettant une fréquence F0 ou F1 = 261,63 Hz (notée ici C1), peut donc aussi émettre les multiples de F1 , soit F2 = 523,25 Hz (C3), F3 = 783,99 Hz (G3), F4 = 1 046,50 Hz (C4), F5 = 1 318,51 Hz (E4), F6 = 1 567,98 Hz (G4), etc.
Un son reconstitué par superposition de ses harmoniques (calculés selon la décomposition de Fourier évoquée ci-dessus), possède le même timbre que le son initial. Divers facteurs peuvent donc déterminer un son et, notamment, caractériser son timbre (cf § 5 ci-dessous).
1.4.2. Certaines composantes spectrales du son ne sont pas des multiples entiers de la fréquence la plus basse (fréquence fondamentale) précédente. On les appelle aussi simplement « partiels ».
1.4.3. Les composantes d'un son strictement périodique correspondent à des fréquences sinusoïdales : on appelle son pur le son qui en résulte (c’est pratiquement le cas du La, ou A2, produit par un diapason mécanique).
1.4.4. Un « bruit » est un son
complexe, mais non harmonique : il se compose d’ondes de fréquences
diverses, qui ne sont donc pas, en général, des multiples entiers d’une note
fondamentale.
Ainsi, les instruments à percussion, qui n'ont pas de hauteur fixe, ne comportent que des partiels. Les « transitoires d'attaque », c'est-à-dire des composantes du son qui ne sont pas périodiques et de durée infinie (claquement, choc, crissement de la colophane sur la corde d'un violon pour attaquer d’une note), sont tous des phénomènes non harmoniques qui ne peuvent se décomposer qu'en partiels.
2. Les instruments à vent (cf Annexe 17, les instruments à vent)
3. Cuivres et trompettes
La trompette est un instrument de musique de la famille des « cuivres », elle-même sous-famille des instruments à vent, souvent simplement appelés les vents.
3.1. Un « cuivre » n’est autre qu’un simple tuyau sonore (résonateur) associé à un excitateur « externe » (les lèvres). C’est donc un instrument de musique de la famille des instruments à vent. Une trompette (cf schéma ci-dessous) est donc un amplificateur de vibrations : celles produites par les lèvres.
3.2. Le principal matériau utilisé pour la perce (ou tuyau) et le pavillon est le laiton (alliage Cu+Zn), parfois vernis ou recouvert d’argent ; ce matériau peut aussi être le bois (cor des Alpes) ou même une matière plastique (trompettes ou trombones d’exercice). Les coulisses peuvent être en maillechort (alliage Cu+Zn+Ni) dont le nom vient de ses concepteurs, Maillet et Chorier en 1819), et dont les propriétés à froid (soudure, usinage) sont intéressantes. Enfin, les pistons peuvent être en monel (alliage Cu+Ni) ou en acier.
3.3. Le « jeu » de l’instrumentiste met en action :
(a) des éléments biologiques, dont principalement : (1) mouvements de l’abdomen et des poumons (diaphragme en inspiration, inter-costaux et abdominaux en expiration), (2) actions de la gorge (pharynx et larynx) et de la langue, (3) vibration des lèvres, (4) mouvements des doigts ;
(b) des élément physiques, constitués surtout des composants suivants : (1) embouchure, (2) perce et tuyau, (3) système (mécanique) des cylindres-pistons et (4) pavillon. Certains accessoires (lyre, sourdine) peuvent aussi être employés.
Composants physiques constituant une trompette
4. Tonalité des trompettes, transposition
La trompette est un instrument transpositeur. Il en existe deux hauteurs usuelles : la trompette en C (Do, ou Ut) et la trompette en Bb (Si bémol). D’autres modèles existent, surtout utilisés en musique classique (concertos, notamment) : trompettes en A, D ou Eb.
4.1. Jouée avec le doigté « théorique », la trompette en C émet (en principe) les notes exactes de la partition à exécuter. Ainsi, une partition de la gamme C1-C2 est simplement jouée avec le doigté 0, 13, 12 (ou 3), 1, 0 (ou 13), 12 (ou 3), 2, 0 (ou 23).
4.2. Par contre, jouée avec le doigté théorique précédent, la trompette en Bb émet des notes situées 1 ton en-dessous de la partition précédente. Pour jouer la partition à la bonne hauteur, il faut donc « redresser » (ie transposer) celle-ci 1 ton plus haut. Ainsi, avec une trompette en Bb, la gamme entendue en C devra être exécutée en D (ie avec le doigté correspondant). Ainsi, la gamme D1-D2 (qui sera entendue comme la gamme C1-C2) sera jouée avec le doigté 13, 12 (ou 3), 2, 0 (ou 13), 12 (ou 3), 2, 12 (ou 3), 1.
De même, jouée avec le doigté « théorique », une trompette en A (resp D, resp Eb) fait entendre la gamme de A (resp D, resp Eb), donc émet des notes situées 1,5 ton en-dessous (resp 1 ton au-dessus, resp 1,5 ton au-dessus) de la tonalité d’une partition donnée. Pour jouer la partition à la bonne hauteur, il faut donc transposer celle-ci de 1,5 ton plus haut (resp 1 ton plus bas, resp 1,5 ton plus bas). Ainsi, avec une trompette en A (resp D, resp Eb), une partie écrite en C devra être exécutée en Eb (resp en Bb, resp en A). En pratique, la trompette en Eb est souvent utilisée pour jouer dans une gamme simple les concertos écrits en Eb (Haydn, Hummel, Neruda) (doigté simple de la gamme de C).
4.3. Il existe des techniques de transposition « à vue », pour jouer directement à la bonne hauteur tout en regardant une partition donnée. Pour ce faire, on se réfère d’abord à l’une des clefs possibles de l’armure : il subsiste aujourd’hui 1 clef de Sol (2ème ligne), 2 clefs de Fa (3ème et 4ème lignes) et 4 clefs d’Ut (1ère, 2ème, 3ème ou 4ème lignes). Par suite :
(a) on sélectionne d’abord la clef adéquate ;
(b) puis, pendant l’exécution de la partition, on doit mentaliser que l’écriture de la partition a été faite avec la clef choisie (ie que cette clef figure fictivement à l’amure). Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, la partie écrite en C (clef de Sol 2ème) sera exécutée en D en imaginant que la clef est une clef d’Ut 4ème (puisque le C est alors situé immédiatement sous la portée). Mais cette technique suppose l’instrumentiste familiarisé avec les clefs précédentes (autres que Sol 2ème ou Fa 3ème, s’il est aussi pianiste) ;
(c) cette difficulté résolue, il en demeure une seconde : celle relative aux diverses altérations en cours de partie. Il faut donc anticiper ces dernières (bécarres, doubles bémols ou doubles dièzes), tout en gardant à l’esprit la clef de travail. Ceci implique d’avoir effectué, au minimum, une lecture préalable de la partition.
4.4. En pratique, il n’est pas fréquent d’avoir à transposer « au pied levé » : ce serait le cas avec une partie écrite pour trompette en C alors que l’instrumentiste, appelé au dernier moment, ne dispose que d’une trompette en Bb. Le plus souvent, les parties d’orchestre ou de brass band (concertos, symphonies, jam sessions, etc) sont directement écrites (transposées) pour chacun des instruments transpositeurs qui entrent en jeu ; de plus, un professionnel possède généralement les deux trompettes de base (Bb et C).
4.5. Par ailleurs, divers logiciels, indiqués dans le corps principal de la méthode, permettent une transposition directe des parties de trompette et, par suite, de les imprimer et de les jouer dans le ton voulu.
Aussi, ces techniques de transposition ne seront pas détaillées davantage dans le cadre de cette méthode.
5. La famille des trompettes (généralités)
5.1. Classification sommaire
Cette famille est assez variée, et comprend principalement :
(a) la trompette « ordinaire », parfois appelée « trompette d’harmonie », ou « grande trompette », avec 2 hauteurs de tonalité usuelles (C ou Bb). Ce modèle est de type « omnibus », car il est utilisé dans des circonstances très diverses. Certains modèles sont mixtes : une « échelle » intermédiaire (constituée de 2 tubes parallèles) permet de modifier leur tonalité (eg de C en Bb), mais les coulisses de pistons doivent être en proportions (jeu de rechange) ;
(b) la trompette
« piccolo », plutôt « réservée » à des
professionnels (cf Annexe 09, usage de la trompette piccolo) ;
(c) il existe d’autres types (formes) de trompette : trompette dite
« baroque » ou « naturelle » (coudée 2 fois et assortie de
trous à la façon des flûtes), trompette droite (non coudée) à pistons,
trompette à coulisse (très peu usitée). Le clairon en Bb (note fondamentale et
ses harmoniques) fait aussi partie de cette famille (l’émission du son en est
très aisée : faible impédance acoustique).
5.2.
Anatomie
Du point
de vue géométrique, la tompette est un instrument cylindro-conique
qui se comporte comme un tube cylindrique ouvert aux deux extrémités (A. Benade).
Pour des
raisons de commodité (fatigue des bras), ce tube est aujourd’hui enroulé 2 fois : (a) un premier « coude » est situé au niveau de la coulisse
d’accord et (b) un second coude est situé en
sortie du bloc des chemises-pistons :
(a) la plus grande partie du tube
(depuis le boisseau de perce, près de l’embouchure, jusqu’à la sortie du second
coude, soit environ 80 % de la longueur totale) est de forme cylindrique : en réalité,
quasi-cylindrique, car la régularité de la paroi intérieure du tube (4 coulisses),
ainsi que celle du bloc chemises-pistons, est loin d’être absolue, et elle
entraîne des perturbations du flux d’air sur une bonne partie de sa longueur ;
(b) le reste du tube (environ 20 %),
situé en aval du tube cylindrique et jusqu’au pavillon, possède une forme conique : cependant, il ne s’agit pas d’un
simple tronc de cône linéaire, mais d’un tronc de cône
curviligne.
L’équation
de la courbe génératrice de cette portion
de cône (arc de parabole, d’exponentielle, de F.F.W. Bessel, etc), aussi bien
que la proportion cône / cylindre, ont donné lieu à diverses études en vue d’en
déterminer les propriétés acoustiques (sonorité, impédance, etc).
D’autres
cuivres (cornet, bugle, cor) ont des proportions cône / cylindre différente
(partie cônique plus importante).
6. Timbre sonore et matériau. Effet de la matière sur le son
Parmi les facteurs caractéristiques d’un timbre sonore, il est souvent affirmé que le matériau utilisé pour fabriquer un instrument n’influe pas sur son timbre. Autrement dit, le son d’un instrument est invariant quelle que soit la matière utilisée pour sa fabrication.
6.1. Ceci est, en théorie, inexact, dans la mesure où (cf § 1.4. ci-dessus) l'ensemble des partiels (harmoniques ou non harmoniques) caractérise le timbre d'un instrument de musique. Ces différents partiels n’ont aucune raison d’être identiques, pour une note (fréquence) donnée, avec deux matériaux différents donnés, puisque la « résonance » du résonateur (la trompette) dépend, dans chacun des deux cas, des propriétés physiques et phoniques (mécaniques, thermiques) de ces matériaux, lesquelles sont a priori différentes : le « réfléchissement » (ou « réverbération ») de l’onde sonore dépend des matériaux, car ceux-ci vibrent différemment (plasticité ou flexibilité, porosité, capacités caloriques, etc).
A titre d’illustration, les graphiques I et II ci-après représentent les profils stéréophoniques (fréquence ´ durée sur 2 canaux) de la note G2 (Sol de la clef) obtenue pendant 0,20 s, respectivement avec :
(a) une trompette ordinaire (trompette personnelle fabriquée principalement en laiton) ;
(b) avec une trompette fabriquée en matière plastique (PVC), appelée aussi « pTrumpet » (plastic trumpet) (note exécutée par Alison Balsom).
L’échelle des décibels a été normalisée.
Graphique I. Trompette laiton en Bb (note
entendue : F2, durée 0,20 s)
Graphique II. Trompette PVC en Bb (note
entendue : F2, durée 0,20 s)
Les graphiques III et IV ci-après représentent les profils de la même note G2 obtenue pendant 0,02 s respectivement avec une trompette ordinaire et avec une « pTrumpet » (extraits des courbes ci-dessus).
Graphique III. Trompette laiton en Bb (note
entendue : F2, durée 0,02 s)
Graphique IV. Trompette PVC en Bb (note
entendue : F2, durée 0,02 s)
On observe que les deux catégories de profils précédentes diffèrent, même en « dilatant » le champ temporel (ie en représentant une durée 10 fois moindre sur une même surface graphique). En particulier, en III et IV, le profil de la trompette PVC apparaît plus « lisse ». De plus, aucun décalage de durée ne permet une superposition acceptable des séries temporelles.
6.2. Cependant, en pratique, la perception auditive « ordinaire » (celle de l’oreille humaine normale) ne distingue guère les productions sonores d’instruments construits avec des matières différentes. Dans ce cas, c’est la « géométrie » de l’intrument qui jouerait un rôle principal dans ce type de distinction : volume, cylindricité ou conicité, longueur, épaisseur ou diamètre du tube. Ainsi, un flugelhorn ne « résonne » pas comme une trompette ou un cornet (« cuivres » de même tessiture).
Divers instruments de mesure acoustiques permettent d’étudier ces diverses propriétés de façon approfondie.
7. Entretien
Afin de permettre une sonorité la meilleure possible, l’instrument doit être « propre ». Celà concerne essentiellement l’intérieur des tuyaux : embouchure, tube (boisseau, perce, pavillon), coulisses (d’accord et de pistons), cylindres et pistons.
La propreté externe est moins importante, mais la sueur des mains peut altérer le revêtement (verni ou argent), ou même le matériau « brut » (instruments « brossés », instruments dévernis, etc), ce qui justifie un nettoyage régulier (oxydation argentique, etc).
7.1. La trompette est un instrument « humide » : cette humidité provient de la condensation de la grande quantité d’air expirée par l’instrumentiste (selon la difficulté du trait, la quantité de vapeur d’eau expirée peut varier de 1 cm3 à 4 ou 5 cm3 environ par quart d’heure) :
(a) les clefs d’eau (système à bascule et rappel classique, système cylindrique Amado) sont destinées à évacuer cette humidité en temps réel (ie pendant l’exécution d’une pièce) : le plus souvent, une cornaline possède une clef sur la coulisse générale d’accord, et une clef sur la coulisse de 3ème piston ;
(b) délai de condensation : ces clefs d’eau doivent souvent être actionnées de nouveau : en effet, entre deux utilisations, l’eau continue à se condenser sur les parois. Il suffit de laisser l’instrument refroidir un certain temps verticalement sur son support (« stand ») pour observer que l’eau s’accumule encore dans ses parties basses. Il faut donc à nouveau actionner ces clefs (après avoir, le cas échéant, soufflé rapidement dans la coulisse concernée et avoir abaissé le piston correspondant) ; on peut aussi mettre un papier absorbant ou un linge sec non pelucheux, entre l’orifice et l’embout de chaque clef, afin d’absorber l’eau résiduelle (ceci n’est pas praticable avec des clefs d’eau cylindriques : eg système Amado d’un bugle).
De plus, le laiton est un matériau oxydable : la surface interne du tuyau a tendance, si elle n’est pas entretenue, à devenir microporeuse, ce qui altère la qualité du son. On ne peut guère agir contre ce fait général, qui peut conduire jusqu’à percer le tube. Cependant, il est possible :
(a) de nettoyer régulièrement cette surface intérieure avec une goupille de type « serpent », dont le rôle est seulement de frotter en vue d’ôter les particules (mais elle n’agit guère sur la partie oxydée elle-même) ;
(b)
assécher l’intérieur avec un morceau d’éponge de même taille que
le diamètre de la perce : ce morceau peut être de forme sphérique (
(c) utiliser un aspirateur : on insère l’extrémité de son embout dans le pavillon, en sorte de l’obstruer de façon étanche, puis on le fait fonctionner suffisamment longtemps, avec une dépression suffisante (actionner aussi les pistons pour assurer le passage de l’air dans les coulisses).
7.2. Une fois l’instrument sèché, on peut légèrement enduire la paroi interne à l’aide d’un lubrifiant fluide (eg celui des pistons) : on utilise encore le procédé de l’éponge, plongée dans ce lubrifiant. Ceci suppose le lubrifiant non toxique : en effet, si l’inspiration de l’air passe normalement par les commissures de la bouche, une quantité (a priori infime) peut aussi provenir de la perce pendant l’inhalation en cours de travail.
Certains professeurs préconisent, au contraire, de ne pas sècher l’intérieur de l’instrument : l’argument avancé est qu’un tube en laiton asséché risque de s’oxyder davantage (contact avec l’air, donc avec O2) qu’un tube humide, si légèrement soit-il.
8. Lubrification
Zones de graissage ou de lubrification
8.1. Les pistons sont lubrifiés à l’aide d’un lubrifiant liquide (dérivé du pétrole) de très faible viscosité : celui-ci facilite alors le déplacement rapide des pistons. Il ne devrait pas être « toxique » par inhalation ni par contact. En absence de liquide adapté, il est possible de mouiller temporairement les pistons à l’aide d’une eau déminéralisée, ou encore simplement avec la salive.
8.2. On utilise une graisse de filetage pour les châpeaux et culots des cylindres. On peut aussi l’utiliser pour les coulisses de piston, mais leur actionnement risque (cas d’action rapide) d’être plus difficile à cause de sa viscosité plus importante que celle des lubrifiants de pistons. Aussi, on peut ajouter quelques gouttes de lubrifiant, après graissage et avant d’insérer les coulisses, et actionner celles-ci pour vérifier leur facilité de glissement.
9. Fréquence d’entretien et de lubrification
9.1. Trompette (corps de l’instrument)
La fréquence d’entretien dépend essentiellement de la fréquence d’utilisation de l’instrument. Il n’existe guère de règle générale, mais plutôt une règle a minima qui consiste à nettoyer les diverses parties de l’instrument eg une fois par semaine ou une fois par mois, au même rythme que sa lubrification. Il est donc très utile de surveiller son état interne.
9.2. Autres parties
(a) les feutres situés à l’intérieur des cylindres doivent être en bon état et non humides. En effet, des feutres trop fins (écrasés) ou humides n’amortissent plus les mouvements mécaniques. Lors d’une prestation en solo (accompagnement silencieux), le bruit généré risque d’être alors audible, surtout pendant un passage ppp. De plus, ces feutres écrasés risquent de fausser l’instrument et d’en rendre la pratique plus difficile : en effet, les trous de pistons risquent alors de ne plus se trouver exactement en face des dérivations de l’air que constituent les coulisses : ce « décalage » (sans doute minime en général) peut créer un obstacle à la fluidité du passage du flux d’air dans sa colonne ;
(b) les ressorts, situés à l’intérieur des cylindres, permettent aux pistons de remonter dans les cylindres. Des ressorts à faible élasticité (ressorts « durs ») permettent au pistons de remonter très vite, donc de jouer des passages rapides sans « flou » dans l’articulation des touches ; mais un jeu soutenu risque de fatiguer les doigts, et le bruit risque d’être perceptible. Inversement, des ressorts élastiques (ressorts « mous ») impliquent davantage de flou dans le jeu. Généralement, les ressorts incorporés dans les instruments ont été évalués par des instrumentistes reconnus, et possèdent des qualités suffisantes s’ils sont en bon état. Ils peuvent aussi être graissés ou lubrifiés pour les protéger de l’humidité interne.
10. Considérations thermiques
Avant son utilisation, l’instrument est à température ambiante (eg généralement entre 15° et 25°), donc bien plus froid (d’environ 12° à 22°) que le corps humain (37°).
10.1. Pour éviter un « choc thermique » sur le masque moyen, et dû à une embouchure trop froide, on peut, avant de jouer :
(a) mettre celle-ci dans la main ou dans une poche quelques instants ;
(b) ou la mouiller avec l’eau tiède d’un robinet.
En effet, un muscle fonctionne mieux s’il est préalablement échauffé ou s’il ne subit pas de choc thermique.
10.2. Le corps de la trompette est lui-même chauffé par les zones de contact avec la bouche et les mains :
(a) d’une part, la bouche réchauffe l’embouchure et le début de la perce (air insufflé) ;
(b) d’autre part, les deux mains en contact avec le corps des cylindres et pistons tendent à réchauffer ceux-ci.
Les autres zones, notamment la branche du pavillon ainsi que le pavillon, situé à l’extrémité opposée à l’embouchure, restent en général plus froides. Par temps froid, il se produit souvent de la condensation à l’intérieur du pavillon (le sècher avant de remettre l’instrument sur son stand).
Il y a donc hétérogénéité de température tout au long du tube, même après un jeu long. Cependant, lorsque la température augmente, la tonalité d’ensemble de l’instrument monte. En effet :
(a) la dilatation du métal allonge l’instrument (tube plus long) et fait aussi augmenter son volume interne (diamètre du tube), ce qui tend à faire baisser sa tonalité ;
(b) inversement, un air plus chaud (que la température ambiante) se déplace plus vite, car plus léger, et contribue à augmenter la fréquence du son produit, donc à faire monter sa tonalité.
La résultante de ces deux facteurs contradictoires conduit à une tonalité plus aigue de la trompette. Mais la différence n’est pas toujours perceptible (cf Annexe 13, sur la fausseté de la trompette).
11. Modèles personnels
A titre d’exemple, le rédacteur de cette méthode possède six instruments.
11.1. Trompette Dolnet (facteur suppposé ?), années 1950, modèle argenté sans mention de fabriquant ni numéro de série. Elle possède un pavillon gravé par ciselure, avec les mots « EMPEROR » et « VIRTUOSE », ainsi qu’un motif qui a été assimilé à la tour Eiffel. La clef d’accord est en deux parties, dont une rallonge (échelle) intermédiaire en forme de H (tonalités A, Bb et B). Elle ne dispose que d’une seule clef d’eau (sur coulisse d’accord). Ses pistons, numérotés de 4 à 6, coulissent directement dans les cylindres, et les ressorts sont situés au-dessous des pistons ;
C’est aujourd’hui (2018) un instrument très rare (peut-être même unique, dans son état), ancien d’environ 60 ans, et dont la production semble avoir été limitée. Sa perce a été adaptée (élargie) pour recevoir les embouchures actuelles.
Visualisation de l’instrument : dans son écrin (détail), sur stand (détail du pavillon), en-dessous, côté droit.
11.2. Trompette Getzen Bb, modèle argenté 907S Eterna Proteus. Elle possède deux clefs d’eau (sur troisième coulisse et sur clef d’accord). Ses pistons coulissent dans les cylindres de manière indirecte : le système de taquets (plastiques) avec ressorts est interne aux pistons. Cet instrument de qualité est précis et agréable à jouer.
Visualisation de l’instrument : sur stand.
11.3. Cornet à pistons Jupiter Bb en cuivre rose verni, modèle 526R. Il possède deux clefs d’eau (sur troisième coulisse et sur clef d’accord). Cet instrument est de belle facture, agréable à jouer et peu encombrant (transport).
Visualisation de l’instrument : sur stand.
11.4. Bugle Jupiter Bb en cuivre rose verni, modèle 846L. Ce type d’instrument est aussi appelé « flugelhorn » (mot-à-mot : « klaxon latéral »), il possède un « trigger » (abaisseur de tonalité) sur la troisième coulisse et 3 purgeurs d’eau cylindriques de type Amado (sur première coulisse, trigger et clef d’accord). De belle facture, cet instrument est très agréable à jouer, avec un son chaleureux dans le medium et le grave.
Visualisation de l’instrument : sur stand.
11.5. Trompette SML Paris Bb, modèle TP600, tricolore (cuivre jaune, cuivre rose et maillechort) et verni. Cet instrument d’étude, joliment construit, et de prix modeste, possède une mécanique (cylindres, pistons, clefs d’eau) qui paraît fiable. Très souvent utilisé pour l’entrainement, il est plaisant à jouer, avec une émission relativement aisée et un son bien porté vers l’avant. La quinte C1-G2 est cependant fautive (il faut jouer sur le partiel 13 correspondant). Ses finitions ne sont pas résistantes : le vernis du bas des cylindres a tendance à disparaître et permettre leur oxydation.
Visualisation de l’instrument : sur stand.
11.6. Trompette Thomann C ou Bb, modèle TR-600S. Cet instrument entièrement argenté, est, lui aussi, de prix très modeste. Il possède, au plan personnel, surtout l’intérêt de jouer sans avoir à transposer (en cas de partitions écrites pour instruments non transpositeurs). Ses intervalles à vide semblent justes (notamment l’intervalle de quinte C1-G2). Des défauts d’argenture sont visibles.
Visualisation de l’instrument : sur stand.